J’ai décidé de commencer ma lancée de lectures classiques avec Moby Dick de Herman Melville. Très honnêtement, ce fut un calvaire! L’histoire est sans conteste à la fois épique et palpitante tant au niveau de l’action que de l’humain. Chaque scène de chasse à la baleine fascine et les personnages du Capitaine Ahab et du « fisrt mate » Starbuck sont fantastiques tant dans leur personnalité que dans la relation qui les unit. Je comprends facilement qu’il soit devenu un classique, mais aujourd’hui, plusieurs choses ne passeraient plus.
Bon, ce ne sont pas nécessairement des péchés littéraires, mais le jeu de mots était plus drôle ainsi dans le titre!
Voici donc plutôt, trois choses qui ne marchent pas dans Moby Dick.
Le remplissage.
C’est le problème le plus flagrant, celui qui donne envie de lancer le livre sur le mur de la chambre et de ne jamais plus le ramasser. Il y a des chapitres entiers de remplissage, comme si Herman Melville avait été payé au feuillet (ce qui n’est pas impossible à cette époque ou les feuilletons étaient populaires dans les journaux). Je ne parle pas d’un paragraphe descriptif de trop comme on en trouve chez Balzac, je parle de chapitres entiers qui ne servent à rien. On trouve, par exemple, un chapitre complet sur la symbolique de la couleur blanche. Tout y passe, de l’ours polaire à l’hermine royale. Un des plus pénibles : trois chapitres sur une proposition de nouvelle classification biologique des différentes sortes de baleines. Aussi, un chapitre d’une vingtaine de pages pour décrire la tête de l’animal. Deux autres chapitres s’occuperont du corps et de la queue. Un beau cas où l’expression « une image vaut mille mots » aurait pu être prise au pied de la lettre!
Pour une des rares fois dans ma vie, j’ai appliqué ce « droit du lecteur » de Daniel Pennac :
Un changement complet de point de vue
La première phrase du livre est célèbre : « Appelez-moi Ismaël » . Elle installe immédiatement le point de vue de cet homme qui désire être embauché sur un baleinier. Les premiers chapitres racontent son arrivée à Nantucket, son séjour à l’auteur où il rencontre un harponneur, et finalement, son embauche sur le bateau du Capitaine Ahab. Arrivé au quart du roman, il embarque sur le bateau… et disparait de la narration. Le narrateur ne devient pas omniscient pour autant (ce qui créera le problème #3), mais on ne saura plus ce que fait Ishmael dans les différentes scènes décrites, ni ce qu’il en pense. C’est comme si l’auteur s’était tanné de lui en trouvant, dans l’équipage du Pequod, de nouveaux jouets plus intéressants. Le changement est à la fois inutile et injustifié. Ce qui est dommage, c’est qu’on se retrouve alors avec tout les désavantages du point de vue première personne (attachement, personnalité du narrateur, opinions, etc.) pour n’en garder que les défauts (incapacité d’entrer dans les pensées des autres autrement que par le dialogue… )
Ce qui nous amène à notre problème numéro trois :
L’abus de monologues
Jamais autant de personnages n’auront soliloqué! On se croirait au théâtre! Chaque personnage y va de longues tirades pour expliquer de long en large leurs tourments. Pourtant, le véritable moment où l’obsession d’Ahab pour Moby Dick se fait comprendre est lorsqu’il pose un geste plutôt que de proférer une parole. Je commence à peine ma lecture des classiques, il est donc possible que ce grand défaut en soit un d’époque. Shakespeare n’était-il pas, lui aussi, féru de monologues. Mais le grand auteur britannique avait, lui au moins, l’excuse d’être un homme de théâtre.
Bref, est-ce que je recommande la lecture de Moby Dick? Très honnêtement, il doit bien exister des versions abrégées qui gardent le meilleur en éliminant le superflu. Si vous réussissez à mettre la main sur une telle version, faites taire votre puriste intrinsèque, et régalez-vous. Sinon, apprêtez-vous à exercer votre droit du lecteur vu plus haut… ou à passer les plus longues heures de lecture de votre vie.
Lolol! Le problème, c’est qu’à l’époque les éditeurs n’avaient pas le gros bout du bâton comme maintenant : les auteurs étaient plus rares et, surtout, ils arrivaient souvent avec leur public, des nobliaux qu’ils avaient séduit avec leur esprit dans un salon ou un autre. Donc, ce que nous connaissons comme de la direction littéraire n’existait pas. L’éditeur prenait le manuscrit avec ses défauts et ses remplissages ou le refusait. La demi-mesure n’était pas de mise. Surtout que si le manuscrit était bon, malgré ses défauts, un concurrent le prendrait.
C’est pas pour rien que Rostand fait dire à Cyrano « Mon sang se coagule à la pensée qu’on puisse y changer une virgule! »
Depuis, le rapport de force a beaucoup changé et c’est souvent à notre détriment financier en tant qu’auteur, mais je pense que sur le plan de la technique littéraire, on est gagnant. Et le lecteur, lui, y gagne à n’en pas douter.
Cela dit, à l’époque, comme le rythme de vie était moins précipité, ça ne dérangeait ptêt pas autant les gens de perdre leur temps avec des chapitres vides.
@Gen: Très intéressant! Et il est certain que, si j’étais riche et oisive, le chapitres inutiles me dérangeraient moins!!!