Je lisais, hier, un article du journal Le Monde, intitulé « Comment enrayer la chute de la lecture des enfants ? » Deux énoncés ont retenus mon attention. Le premier, une chute importante de lecteurs à l’âge où ils doivent graduer de l’album illustré au roman. Le deuxième, le questionnement de l’auteur sur une possible nécessité de rendre les livres plus ludiques. Je n’ai pu m’empêcher de penser à Geronimo Stilton.
Pour ceux qui ne connaissent pas cette série au succès phénoménal, Geronimo Stilton est une série italienne qui compte déjà plus d’une cinquantaine de livres et qui suit les aventures d’une grosse souris. Aucun auteur autre que la grosse souris elle-même n’est jamais mentionnée sur les œuvres, à un point tel que c’est le personnage en peluche qui fait les dédicaces dans les salons du livre, ce qui porte (fortement) à croire qu’elle appartient à l’Éditeur italien, qui passe des commandes à différents écrivains. La série existe sous deux formats : des petits romans courts et de grosses briques dans lesquelles l’aventure comprend de nombreux jeux et activités (du genre, trouvez la clé dans l’image pour que Geronimo puisse ouvrir la porte).
Jetez maintenant un petit coup d’œil sur une page intérieure d’un roman de Geronimo Stilton.
Selon mon article de Le Monde, le passage de l’album illustré au roman serait difficile. Geronimo Stilton, avec ses mots-images (je rougis écrit en rouge, « Rio Mosquito » accompagné d’insectes) et ses nombreuses illustrations couleur semble à cheval entre les deux genres. Le passage se fait plus facilement! Le chaînon manquant, donc! Lorsqu’un apprenti lecteur ouvre ce livre pour la première fois, il n’est pas intimidé. Il est en pays de connaissance, la seule différence est que les pages sont plus petites et plus nombreuses que celles des albums dont il a l’habitude.
De plus, avec les activités incluses dans ses romans-briques, Geronimo réussit à mettre un pied dans l’univers du jeu. Cet esprit ludique constitue un second atout pour le jeune lecteur. D’entrée de jeu, il n’a pas peur de s’ennuyer, malgré le nombre impressionnant de pages.
Il est facile de jalouser le succès de la série, mais il est peut-être également responsable de la conversion de bien des lecteurs d’albums en lecteurs de romans.
Ça me fait penser aussi que les «livres dont vous êtes le héros» sont aussi le chaînon manquant. Jadis, c’était un cheval de Troie pour les envoyés vers les yeux vidéos (ou plutôt pour les faire patienté car le véritable boom des histoires/jeux est survenu des années après). Aujourd’hui, c’est peut-être le retour car ils permettent de revenir au livre (je pense à la série québécoise de Richard Petit, «passepeur»).
Pour revenir à Geronimo, je suis entièrement d’accord avec toi, quoique je n’ai pas vu encore le véritable effet (mes enfants ne lisent pas encore des livres sans images) mais mon coeur de père me dit que c’est le bon passage. Que Géronimo soit une propriété d’un éditeur et non d’un auteur est à mon avis une logique commercial (il peut augmenter le rythme de production pour profiter de l’effet). C’est presqu’un logique de magazine.
On n’a pas d’équivalent au Québec ou en France?
Effectivement, ça représente un pont entre le roman et l’album. Faudrait reproduire le concept 🙂 Ou alors on lance des romans avec une illustration au 3-4 pages plutôt qu’une à toutes les deux pages comme avec l’album.
@Martin: Il en existe peut-être, mais, à ma connaissance, aucuns qui aient la sophistication des Geronimo. Par exemple, je sais que les Éditions Foulire one de bons romans transitoires avec de nombreuses illustrations couleurs et un petit jeu à découvrir à la fin (avec, par exemple, la série « Chat-o-folie », mais je ne crois pas qu’ils aillent jusqu’aux mots-images à l’intérieur du texte, ni à la sophistication des activités interactives des Geromino-briques.
Pour ce qui est des séries-usines dans lesquelles plusieurs auteurs permettent une production hors-pairs, j’ai regardé les « Kaboum », qui me semblaient de bons candidats, mais l’auteur y est indiqué, et je n’y ai vu que deux noms différents. Par contre, je connais des auteurs qui sont des « usines à eux même »! Ainsi, certaines séries sortent à un très bon rythme (marketingment-parlant), sans avoir recours aux prête-noms.
@Annie, d’après toi, est-ce que la sophistication de Géronimo serait manquante au Québec uniquement par manque de compétence ou par manque d’argent («on est un petit marché»)? Autrement dit, y a-t-il de la place au Québec et puis dans dans la francophonie, et puis dans tout le monde (en traduction) pour une autre production locale d’un produit culturel comparable en qualité de contenu et de forme que Geronimo?
Deuxième point: est-ce que les auteurs-usines sont des succès pcq ils sont des usines ou pcq ils sont des auteurs. Autrement dit, est-ce pcq ils produisent bcp qu’ils ont du succès (entendre, avoir des revenus pour vivre) ou s’ils produisaient moins on entendrait pas parler d’eux. En un mot: la quantité est-elle la seule voie de survie pour un auteur?
@Martin: Pour le point un, on ne manque certainement pas de talent. J’ai vanté les mérites des livres Geronimo Stilton, mais comprennont bien que ce n’est qu’une question de graphisme et d’interactivité! Ce n’est pas de la grande littérature! On fait déjà mieux côté histoire. Il y a absolument de la place pour un produit comparable. Et certains éditeurs d’ici seraient parfaitement capable de mettre un tel projet sur pied. En fait, plus j’en parle, plus je me demande ce que j’attend pour monter un tel projet!
Pour le deuxième point, je n’ai pas la réponse complète, mais chose certaine, une des manière de vivre de l’écriture jeunesse est dans la quantité. Lorsque 3000 copies vendues est considéré énorme, et que l’auteur reçoit environ 1$ par copie, c’est difficile de survivre en sortant un livre aux trois ans! Cela dit certains auteurs réussissent à allier quantité ET qualité! Le premier n’est pas nécessairement au détriment du deuxième.
Contacte moi si jamais tu veux qu’on en discute plus amplement!