Durant mon magasinage des fêtes, j’ai mis la main sur le 13e et dernier tome de la série « Le funeste destin des Beaudelaire », traduction de « A series of unfortunate events », écrit par Lemony Snicket. L’auteur en question n’existe pas plus que Geronimo Stilton, mais a l’avantage d’être le prête-nom d’une seule personne, soit Daniel Handler.
J’avais, lors des grandes années de popularité de la série, lu les trois premiers, qui furent plus tard transformés en film. Sans aucun souci pour le trou de 8 livres, j’ai laissé ma curiosité l’emporter pour savoir comment le tout allait se terminer.
J’en profite pour mentionner que la fin était parfaite : ni trop sucrée, ni trop amère, mais là n’est pas la raison de mon billet. J’ai plutôt envie de parler du style littéraire dans cette série. Un style original, complexe, et qui a dû se voir refusé dans plusieurs maisons d’édition avec l’indication « écriture trop compliquée pour le public cible ». En guise d’aperçu, voici la première phrase du tome 13 :
« S’il vous est arrivé d’éplucher un oignon, vous avez pu constater que sous la première fine pelure se cache une autre pelure, et sous cette autre fine pelure une autre encore, puis une autre, et une autre, et une autre, si bien qu’avant longtemps vous vous retrouvez avec des dizaines, des centaines de pelures sur la table de la cuisine et des torrents de larmes dans les yeux, au point de regretter d’avoir entrepris d’éplucher cet oignon, pour commencer, et de vous dire que vous auriez mieux fait de le laisser se momifier en paix sur son étagère, mieux fait de poursuivre sans lui le cours de votre vie, quitte à renoncer à tout jamais aux saveurs complexes, envahissantes et douces-amères de cet étrange et âpre légume ».
Des phrases longues, vous pensez? Lemony Snicket se fout éperdument du niveau de langage de son public cible! Il a simplement intégré la complexité dans son style d’écriture. Alors que la tendance est à l’écriture « invisible » pour ne pas nuire au récit, Daniel Handler a créé un narrateur hyper-présent, à l’écriture merveilleusement encombrante!
Côté vocabulaire, il a trouvé la parade parfaite : lorsqu’un mot est trop compliqué, il l’explique, tout simplement.
Par exemple :
« Tout au plus, pouvait-on avancer que c’était plutôt gros, plutôt parallélépipédique – mot redoutable à prononcer signifiant ici : « en forme d’énorme boîte à biscuits » ». (p.100)
Il en vient même à jouer lui-même avec ses propres conventions en donnant des définitions absolument erronée et fictive, mais ayant du sens dans le contexte de l’histoire, comme ci-dessous :
« Mais même cette petite fille frondeuse – et ici, frondeur signifie « aimant les pommes » – ne savoura jamais bouché… » (p.243)
Le tout qui en résulte est un style si personnel que je suis certaine de pouvoir identifier un paragraphe écrit par Lemony Snicket entre mille. J’aimerais un jour qu’on puisse dire la même chose de moi. Et tant pis si ça nuit au récit.
Je me demande si ce style d’écriture n’est pas une tendance britannique, car l’auteur du « Golden Compass » avait un peu la même manière, surtout pour les définitions et les fausses définitions.
Je dois dire que j’adore moi aussi! Au diable le public-cible! :p
(D’ailleurs, mon éditeur ne m’a demandé aucun changement au niveau du vocabulaire dans mon roman, ce que j’ai beaucoup apprécié. Je n’ai pas mis de parrallélépipédique, mais il y a quelques « il sied »)
@Gen: C’est fort possible! Je me souviens en effet que Golden Compass était bien écrit! Super pour ton manuscrit! Ton éditeur a peut-être pensé que tu avais assez souffert avec la directrice littéraire 😉
J’ai lu tous la collection… C’est M-A-L-A-D-E!!!