Au Salon du livre de Montréal, la plupart des auteurs en signature se sont vu remettre un petit guide simplifié de la nouvelle orthographe. Retenant un réflexe de l’envoyer avec dédain vers le plus proche bac de recyclage avec un « Pfffh! Écrire ognon sans I, faut-tu être cave », je l’ai glissé dans mon sac. Un test pour vérifier si on n’utilise pas déjà la nouvelle orthographe avait attiré mon esprit. « Ça pourrait faire un bon billet », pensais-je, certaine que le billet en question serait incisif et rempli de dérision.
Mais entre les deux, j’ai lu ledit livre, et j’ai réfléchi.
Première conclusion : il ne s’agit pas d’un nivèlement par le bas
L’intention derrière la nouvelle orthographe n’est pas de simplifier la langue pour des étudiants paresseux. Ce n’est pas une écriture phonétique, et non, le pluriel de cheval n’y est pas « chevals » comme le croient certaines rumeurs.
Il s’agit plutôt de standardisation :
Ex : On écrit « éléphanteau », « baleineau » et « lionceau », mais « levraut ». POURQUOI? Allez, fait comme tout le monde, petit lièvre. Ce sera dorénavant « levreau ».
D’une francisation des termes étrangers passés dans notre vocabulaire :
Ex : « révolver » plutôt que « revolver », « des raviolis », avec un S, parce qu’aucun francophone n’a jamais dit : « un raviolo ».
Et d’une simple question de bon sens :
Ex : puisque c’est le « U » dont on désire indiquer la prononciation dans le mot « ambiguë », pourquoi diable le tréma serait-il sur le « E »? Allez, hop! « ambigüe »!
Deuxième conclusion : la disparition de quelques accents circonflexes n’appauvrira ni la beauté de nos textes, ni la profondeur de nos esprits
Je connais l’importance du Verbe. Après tout, c’est le langage qui structure la pensée. Par contre, c’est le langage dans sa structure, sa syntaxe et l’ampleur de son vocabulaire qui en forme la richesse. À l’écrit, le langage ne sert pas à la réflexion de l’auteur, mais bien au transfert de cette même réflexion. En tant qu’outil de communication, il a avantage à être simple, complet et efficace. Dans ce cas, à condition que les règles de grammaire continuent d’aider à la compréhension du sens, la fonction est remplie.
Troisième conclusion : l’évolution est une bonne chose
Est-ce simplement une peur du changement qui nous fait cracher sur la nouvelle orthographe à la moindre apparition d’un mot dont l’amalgame de lettres n’est pas en accord avec nos habitudes? Est-ce que « nénufar », c’est vraiment si choquant? Surtout lorsque l’on sait que le mot vient du perse « nînûfar »? En tenant mordicus à l’orthographe classique, nous sonnerons éventuellement comme nos parents qui vont encore acheter leur vin « à la commission des liqueurs » (où à la « régie » selon l’âge de vos parents). Pour refuser que la langue écrite change, il faudrait être capable de clamer qu’elle est parfaite. Comme ce n’est certainement pas le cas, j’ai décidé de voir le changement comme de l’amélioration plutôt que du sabotage. Vive le progrès!
En conclusion, ce billet n’est pas un manifeste de fanatique! Malgré mes nombreux exemples positifs, certaines règles me laissent encore bien perplexe. Je n’ai pas changé les options de mon Antidote, et mon prochain roman ne suivra pas les règles de la nouvelle orthographe (de toute manière, mon éditrice est contre!). J’ai simplement une nouvelle ouverture d’esprit face à cette évolution.