L’étagère « albums du Québec et du Canada» de Renaud-Bray est une honte, et le peu de place fait à la littérature jeunesse québécoise dans les médias en est une deuxième. Tout le monde dans l’industrie du livre s’entend sur ces points.
Et pourtant…
Pourtant, des 10 premières positions du palmarès Renaud-Bray, plus de la moitié du top 10 est québécoise. En jeunesse, même constat, et mieux encore, les livres d’ici occupent 4 des 5 premières positions.
Pourtant, Au Salon du livre de Montréal (où 7 invités d’honneur sur 10 sont Québécois), les files d’attente pour Christine Brouillette, Mélanie Watt, Annie Groovie et India Desjardins sont bien aussi longues que celles de leurs équivalents étrangers.
Pourtant, Guy Gavriel Kay, un géant (je ne mâche pas mes mots!) de la littérature fantastique anglophone tweetait la fin de semaine du Salon : « J’aime comment le Salon du livre de Montréal change ma perspective du monde du livre. Ici, la vedette de A lire, c’est Patrick Sénécal ». G.G. Kay qui attire des foules aux États-Unis, en Angleterre et au Canada anglais, était lui-même seul devant une table vide. (j’en ai profité pour aller me chercher une dédicace, j’étais toute excitée!!!)
Quelque part, il doit bien y avoir quelque chose qu’on fait comme il faut!
Revenons au cas des librairies. Sur les cubes, mes Victor Cordi côtoient les livres de Rick Riordan et de Timothée de Fombelle tout autant que les Corinne de Vailly et Alain M. Bergeron.
J’aime cet état des choses. J’aime que, dans la tête des lecteurs qui passent, il n’y a pas de distinction entre les gros auteurs internationaux et notre production locale. On ne vend pas des carottes : « local » n’équivaut pas nécessairement à « meilleur » dans les yeux des consommateurs. Je préfère côtoyer ce qui se fait de mieux que d’être relayée dans une étagère spécialisé sans certitude que cette dernière serait visitée de mon public à moi.
D’un autre côté, il y a clairement un manque d’éducation, et l’identifiation de produits comme étant « Québécois », est de plus en plus nécessaire.
« Est-ce que c’est vous qui écrivez les Génonimo Stilton? » me demande-t-on régulièrement dans les écoles. « Non, ce sont des Italiens qui les écrivent ». Consternation générale. « Est-ce que Stephanie Meyer signe au Salon? » m’a demandé un duo d’ados au dernier Salon. « Je ne crois pas, elle est américaine »… et la fille si convaincue en ajoute : « mais elle écrit aussi des livres en français, non? ». Une traduction, elle n’avait jamais entendu parler de ça.
Il est donc important de mieux identifier la provenance des livres, mais à la ségrégation par étagère, je préfère personnellement une idée discutée avec Laila Héloua, présidente de l’AEQJ au début de l’automne, soit d’avoir un sceau culturel « produit du Québec » que l’on pourrait apposer aux livres, un peu comme celui de l’industrie alimentaire.
À nous ensuite de s’assurer que le seau devienne synonyme de grande qualité.
AJOUT : Hier, après la publication de ce billet, je suis tombée sur une conversation entre auteurs qui parlaient justement du fait que la littérature québécoise n’est pas nécessairement, je cite : « Glamour ». On la défendait par les mêmes files de signature au Salon que moi, et proposait une campagne de publicité pour changer cet état des choses, campagne qui irait très bien avec l’apparition de l’étiquette « fabriqué au Québec » dont je parle ici. Comme quoi l’idée est dans l’air en général.