Archives de catégorie : Réflexions

Pas le bilan prévu…

Photo de Steve Whilelm sur FlickrDepuis le tout début de ce blogue, l’objectif était clair : vivre de l’écriture à mes 40 ans.

L’idée venait d’une phrase que j’aime beaucoup, et qui dit que les projets sont des rêves avec des « deadlines ». Quand, en 2009, j’ai décidé de prendre l’écriture au sérieux, ce délai me semblait raisonnable.

J’ai donc tranquillement tenté de monter quelque chose qui ressemble à une carrière. L’année dernière, je suis passée tout juste en dessous de mon objectif monétaire, mon carnet de publication était bien plein, tous les espoirs m’étaient permis.  Depuis des mois déjà, je composais en tête le billet de blogue victorieux que je pourrais écrire le jour de mes 40 ans.

Puis Courte Échelle a fait faillite.

J’aurai 40 ans ce mercredi.

La grande question est : est-ce que le faillite de Courte Échelle change mon bilan? C’est certain que, à court (et même moyen!) terme, mon indépendance financière est compromise. Je ne remplirai pas non plus mon contrat-avec-moi-même de publier trois livres par année, à moins d’un rachat vraiment, vraiment rapide de la part d’un éditeur vraiment, vraiment motivé.

Mais est-ce un échec?

Non, c’est un cahot dans la route. Rien de plus.

Les maisons d’édition partent, les accomplissements restent. Même si Courte Échelle disparaissait en emportant mes livres avec elle, ça ne changerait rien au fait que j’ai bel et bien réussi à me bâtir, au fil des années, un nom, une réputation, une carrière dans cette foutue industrie qu’est la littérature jeunesse.

Plutôt que de me faire baisser les bras, les difficultés actuelles me poussent à explorer de nouvelles avenues, rencontrer de nouveaux éditeurs, écrire de nouvelles séries.

Comme disait mon grand-père paternel (merci Michel pour celle-là) : un pas en arrière… pour mieux sauter!

 

Moi, mes œufs, et la Courte Échelle

logoJ’ai toujours dit que, de toutes les lettres de refus que je recevais comme auteur, celles de Courte Échelle faisaient le plus mal. C’est la maison d’édition de notre enfance, et environ la seule en jeunesse que tu peux nommer et voir les adultes hors industrie hocher la tête en sachant de quoi tu parles.

Quand j’ai signé avec eux, je me voyais déjà y faire toute ma carrière, comme dans l’ancien temps où les auteurs n’appartenaient qu’à une seule maison d’édition. Ainsi, j’ai publié mes cinq derniers livres avec eux, et les quatre prochains (2 Victor Cordi et 2 albums participatifs) y attendaient leur tour au moment de la faillite.

Presque tous mes œufs, dans un panier qui s’écroule. Je ne vous cacherai pas que la première semaine après l’annonce fut rude.

Puis il y a eu la rencontre avec le Syndic organisée par l’Uneq mercredi dernier, et je me suis remise à dormir en paix. Premièrement parce qu’être informé vaut toujours mieux que de nager dans l’incertitude, même lorsque les nouvelles ne sont pas bonnes. Deuxièmement, parce que j’en suis sortie convaincue d’une chose :

La Courte Échelle survivra*!

La job du syndic est de vendre tout ce qui a de la valeur pour tenter de rembourser une partie des sommes dues au créancier et les trois choses qui ont le plus de valeur chez Courte Échelle sont : son nom, son catalogue, et ses contrats avec les auteurs pour les titres futurs. Et comme l’acheteur potentiel n’est pas tenu de payer la dette, les chances qu’aucun acheteur ne se pointe au kiosque me semblent minuscules.

Il y aura une pancarte « nouvelle administration » sur la porte, une partie des titres du catalogue auront été tablettés, la confiance avec les auteurs sera à rebâtir, mais la machine repartira, pour le meilleur ou pour le pire.

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*Notez que cette affirmation n’est que spéculative, basée sur les principes de vente de faillite, et mon propre optimisme naturel. Je n’ai aucune information particulière qui confirmerait le tout pour le moment.

 

Illustratrice : Maira Chiodi

Je vous ai parlé cet été que je publierais bientôt un album participatif. « Bientôt » étant un terme bien relatif dans le monde de l’édition, il a été repoussé d’octobre à février. Je ne vous montrerai donc rien du projet lui-même avant encore plusieurs mois, mais pour vous faire patienter, j’ai décidé de…

… vous en présenter l’illustratrice!

Elle s’appelle Maira Chiodi, et partage son temps entre Montréal et le Brésil, son pays natal. Elle est illustratrice, mais également « pattern designer », que j’ai décidé de traduire par « spécialiste en motifs ». Évidemment, pour les illustrateurs, une image vaut mille mots, voici donc une sélection de ses œuvres, tiré de son porte-folio en ligne.


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Retour sur mon printemps de jonglage

Il y a deux-trois mois, je vous parlais de mon plan de conciliation écriture-animations-famille qui consistait à me garder systématiquement deux jours par semaine pour écrire. Voilà maintenant deux semaines que cette période est terminée et que j’écris à temps plein (4 jours semaines), et je suis moi-même surprise du bond en productivité qui résulte de ces deux semaines.

Le problème des deux jours semaines :

  • J’avais oublié le facteur fatigue. Après deux journées d’animations, surtout si elles sont suivies de signatures en soirée, je suis claquée! Le troisième matin, devant mon ordinateur, la page blanche me nargue.
  • Deux jours en deviennent rapidement un : puisque la troisième partie de ce jonglage est la famille, au moindre imprévu (enfant malade, rendez-vous médical, congé de la garderie, etc.) je me suis retrouvée avec seulement une journée dans la semaine pour écrire. Et avec juste une journée pour écrire, mon humeur s’en ressent!
  • Trop de choses en têtes. Demandez à mon chum, je ne suis pas une bonne « multi-tasker ». À alterner entre animations et écriture, mon cerveau se perd, mon histoire s’éparpille.

Bref, j’ai écrit plus du tiers du roman durant mes deux semaines intensives, alors que les premiers deux tiers se sont étalés sur 11 semaines. Si j’ai peiné à atteindre les 1000 mots par jour durant tout le printemps, l’absence d’animations m’a permis de retrouver mon rythme de croisière de 50% fois plus, et même de le dépasser dans les derniers deux jours.

Les demandes d’animations pour l’année prochaine commencent déjà à rentrer, et je me trouve à réfléchir à mon organisation. Une amie me disait faire un trois mois intense, à 5 animations par semaine, pour mieux écrire à temps plein après. Mon expérience de productivité me dit que ce serait une bonne solution, mais c’est mon organisation familiale qui ne pourra le supporter.  Alterner les semaines « sans » et les semaines « avec »? Commencer à en refuser pour me concentrer sur l’écriture? Prévoir être en écriture de quelque chose de plus léger qu’un Victor pour la plus grosse saison (Avril-Mai)?

J’ai bien peur ne pas avoir encore de réponses.

 

 

Victor Cordi, maintenant disponible illégalement!

Cette semaine, j’ai reçu une alerte Google pour Victor Cordi, toute contente, j’ai cliqué sur le lien, et suis arrivée sur ceci :

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Eh oui! C’est un site de piratage! C’est la première fois qu’un de mes livres se trouve sur un de ces sites, qui font hurler de rage plusieurs de mes amis auteurs.

Je dois avouer que ma première réaction fut de la joie : mes livres sont désormais assez importants pour attirer l’attention des pirates! C’est comme d’être parodié, c’est une sorte de compliment!

Bonheur ou non, le piratage est illégal! J’ai donc suivi la procédure officielle lorsqu’un auteur rencontre un tel lien : j’en ai informé mon éditeur. À ma grande surprise, voici la réponse de la firme spécialisée qu’utilise Courte Échelle dans de tels cas :

Ce lien après analyse ne contient que des virus et en aucun cas le livre. Ce sont ce que l’on appelle dans le jargon des « scams » des publicités qui font croire à des fichiers gratuits en utilisant les mots clés d’une recherche.

Il ne s’agit donc pas vraiment d’une version gratuite de mon livre, mais bien d’un virus qui utilise mon livre comme appât! C’est encore mieux! Non seulement  le compliment reste, puisqu’ils considèrent mon livre suffisamment important pour être un appât, mais c’est justement grâce à de tels liens remplis de virus que le piratage ne deviendra jamais un mode de consommation à grande échelle! Les pirates-à-virus empêchent la propagation des pirates-consommateur, en leur rappelant qu’il est risqué de télécharger des fichiers sur des sites louches! Bravo les gars, continuez votre bon travail!

Je dois vous avouer que le piratage de mes livres ne m’empêche aucunement de dormir! Pirater est compliqué, illégal, et risqué, comme le lien de téléchargement de mon Victor! S’il y aura toujours une partie de la population qui le fera, tant que les trois qualificatifs mentionnés dans la phrase précédente seront vrais, le pourcentage de pirates restera faible.

Point de saturation et jonglage!

 

Photo de Dani Alvarez prise sur FlickrDans mon billet sur les trois manières de vivre de l’écriture, les deux aspects les plus contrôlables sont la super-productivité et les animations scolaires. Le problème, c’est que le temps n’étant pas une matière élastique, le deuxième peut nuire au premier s’il n’est pas bien dosé.

Jusqu’ici, j’ai toujours accepté toutes les animations scolaires qui m’étaient offertes, mais ce printemps, je suis à quelques animations près d’atteindre le point de saturation, soit celui à partir duquel je n’ai plus suffisamment de temps pour écrire. J’avais déjà entendu des auteurs dire que leur année était remplie, et me demande à chaque fois ce que ça veut dire. Est-ce qu’ils iront dans des écoles 5 jours par semaine durant quelques mois choisis pour se concentrer sur l’écriture après? Est-ce qu’ils n’en font que les lundis?

En l’absence de manière officielle de faire, j’ai inventé mes propres règles!

J’ai donc décidé de me garder 2 jours d’écriture par semaine, histoire d’avancer mes manuscrits de manière régulière. Selon les pédagogiques et autre rendez-vous important, ça me laisse une ou deux journées/semaine pour les animations (ma petite dernière n’a jamais de garderie les lundis, mes semaines n’ont donc que 4 jours de travail), au delà desquels je devrai refuser.

Je n’ai pas encore eu besoins de refuser une animation, mais mon calendrier s’est retrouvé presque plein de la mi-mars à la mi-mai (il reste une place, avis aux intéressés!) À date, la balance entre les deux marche bien. Je ne panique pas pour l’avancement de mon manuscrit, je ne me tanne pas de rencontrer des jeunes dans les écoles, et je réussis à être présente auprès des enfants lorsqu’ils en ont besoins. Fiouf!

C’est de la conciliation travail-travail-famille!

 

La durée de vie d’un livre

Une de mes plus grandes désillusions par rapport au métier d’auteur m’est venue lors de la publication de mon deuxième livre, soit Terra Incognita : Pirates à bâbord!, le deuxième tome de la série. Le premier tome de la série, Les Naufragés de Chélon, avait disparu des tablettes depuis déjà plusieurs mois, et je me faisais une fête de les voir y retourner pour accompagner le deuxième tome.

Comme disent les Anglos : it did not happen!

À ma très grande surprise, et encore plus grand chagrin, les librairies ont pris du tome 2, sans reprendre du premier.

J’ai réalisé que le chemin serait plus long et ardu que prévu!

J’ai pensé par la suite qu’il me suffirait d’avoir un bon succès, et que là, mon livre perdurerait! Pourtant, récemment, j’ai voulu acheter le premier tome des Orphelins Beaudelaires, énorme succès américain des publié de 1999 à 2006. Suffisamment énorme pour qu’il y ait un film et tout.

INTROUVABLE!

Même chose pour les albums du pigeon de Mo Willem, pourtant considérés comme des classiques du préscolaire.

Il fut un temps où on écrivait des livres par désir de pérennité. De nos jours, on est chanceux si nos livres passent plus de quelques mois sur les tablettes des librairies.

Une lueur d’espoir m’apparaît lorsque je vois passer des choses comme ceci :

eppizod

Courte Échelle ont ré-édité certains livres de la collection Epizzod, publiés en 2009 en mini-épisodes, dans un nouveau format pour leur donner une seconde vie.

Une deuxième vie, c’est le genre de truc qui m’aide à mieux dormir la nuit. Et puis, ce serait pas mal, les Victor Cordi ré-édités en briques d’un cycle chacun, non? Dans 10 ans, lorsqu’il aura disparu des tablettes, peut-être!

 

É-lisez moi, trois fois plutôt qu’une!

 

Les livres choisis pour le concours É-Lisez moi Il y a plusieurs mois, j’ai eu le plaisir d’apprendre que mon premier Victor Cordi, L’anomalie maléfique, avait été choisi pour le Concours É-Lisez moi organisé par le réseau de bibliothèques de Montréal.

Les votes sont sortis dans les dernières semaines…

Et Victor Cordi a gagné dans trois arrondissements! 

Plus précisément dans Mile-End, Parc-Extension et St-Léonard! Je sais que c’est « Une sale affaire de Dentifrice » qui a gagné dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve ainsi que dans Montréal-Nord, mais aucune idée pour les autres! La liste complète devrait être dévoilée cette semaine.

Comme le concours demande aux jeunes de faire des critiques et qu’il se termine par un grand débat, j’ai eu le plaisir d’assister à ceux des deux arrondissements où j’ai gagné. Quelques anecdotes en vrac de ces deux événements.

  • – Il est définitivement plus facile de se stationner à Saint-Léonard quand il fait beau que dans Parc-Extension en pleine tempête!
  • – Offrir un buffet de cupcakes à des ados en liberté est une entreprise risquée.
  • – La ségrégation des livres par sexe est une invention d’adulte. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’elle dirait à un garçon qui prétendrait que le livre qu’elle défendait, Maude ou comment survivre à l’adolescence, est un livre pour les filles, une étudiante a répondu très finement : « Ben, voyons, on est en 2014! »
  • – Lorsqu’on est habitués aux 9-12 ans, on trouve les jeunes du secondaire TRÈS grands!
  • – C’est agréable de recevoir des fleurs!
  • – Si Jane le renard et moi n’a pas gagné, c’est un livre qui a beaucoup marqué les jeunes. Sur sept « débatteurs » dans Parc-Ex, plus de la moitié avait choisi de le défendre.
  • – Personne ne s’entend sur la prononciation de « Jane Eyre »
  • – Et, parlant de Jane Eyre, j’ai adoré voir les yeux de la gagnante du débat alors qu’elle découvrait que c’était un vrai-livre-qui-existe-pour-de-vrai et non une invention de Fanny Brit! Je vous parie qu’elle l’a « googlé » en arrivant à la maison!
  • – Montréal regorge de fort jolies bibliothèques! Je ne suis pas certaine qu’on réalise à quel point on est choyé!
  • – Les jeunes surprennent! Ils sont intelligents, articulés, curieux, intéressés, et bien d’autres qualités encore! Débattre devant une foule n’est pas chose facile, et tous ont fait bonne figure!
  • – Une petite pensée en terminant pour le courage du garçon ayant défendu mon Victor contre des filles beaucoup plus grandes que lui dans St-Léonard! L’entendre parler de mon livre m’a fait énormément plaisir!

Bref, un grand merci aux bibliothèques de Montréal, et surtout à tous les jeunes qui ont voté pour mon Victor! Trois prix du public, ça fait chaud au cœur!

 

 

 

Parlons revenu 2013 : on arrive à quelque chose!

illustration de Doofi sur openclipart.org

Une des raisons d’être de ce blogue était de chroniquer la possibilité de vivre de l’écriture. Depuis le début, mon plus-que-modeste objectif est le même, soit d’atteindre 20 000$ par année en revenu d’auteur, ce qui comprend les droits d’auteurs (incluant les avances et le DPP), les animations scolaires, et les contrats d’écriture de fiction (rédaction publicitaire et journalisme ne comptent pas, c’est un autre métier!).

Selon l’adage qui dit que les buts sont des rêves avec des « deadlines », je m’en étais également mis un, soit d’atteindre mon objectif à 40 ans.

J’en ai 39.

La bonne nouvelle? C’est que j’ai compilé mes chiffres d’impôts pour l’année dernière, et que, pour la première fois, cet objectif me semble à portée de main!  Il n’est pas encore atteint, mais mes chiffres ont presque doublé par rapport à l’année dernière, ce qui m’amène environ aux trois-quarts du revenu désiré!

En fait, ça va si bien que j’ai même fait arrêter les versements d’héritage qui me permettait de ne pas prendre de contrats de jeux vidéo! Ce qui reste me servira de coussin en cas de coups durs… et il y en aura! Le métier d’auteur n’étant pas réputé pour sa stabilité!!

Par contre maintenant que mes revenus commencent à ressembler à un salaire (même si un salaire de crève-faim!), je suis prise d’une certaine pudeur par rapport aux chiffres exacts! Pour la première fois, je n’en publierai donc pas le détail, même s’il me fera plaisir de répondre à vos questions de manière plus précise si demandées discrètement en message par Facebook.

Est-ce que je comblerai le dernier quart avant de fêter mon prochain anniversaire? Aucune idée! Surtout que je n’ai pas réussi à me bâtir une série additionnelle pour pallier à une éventuelle baisse de popularité de Victor. Mais si ce n’est pas cette année, ce sera celle d’après, ou celle d’après encore.

Car selon moi, l’expérience est concluante : il est possible de se bâtir une carrière et de vivre de l’écriture au Québec. Il faut juste parfois être patient.

Voir aussi:
Bilan 2012
Bilan 2011
Bilan 2010