Archives de catégorie : Inspiration

Une pause créative bien efficace

illustration de laobc prise sur Openclipart.orgIl y a trois mois, j’ai pris la décision de ne pas commencer le deuxième cycle de Victor Cordi, citant entre autres un besoin de faire une pause après quatre livres d’une même aventure écrits en 18 mois. https://www.romanjeunesse.com/2013/03/17/un-changement-de-rythme-dans-victor/ J’ai donc plutôt écrit un recueil de contes d’Exégor, parsemmé d’informations quasi encyclopédiques sur le monde découvert par Victor. Dans les histoires, j’ai exploré différents personnages, et surtout différents styles allant du journal à la fable en rimes.

À travers tout ça, j’ai nourri mon imaginaire de divers livres jeunesse, de livres d’art et magazines de bandes dessinées. J’avais soif de nouveaux mondes, d’idées nouvelles et d’imaginaire.

Résultat?

Depuis deux mois, je bouillonne d’idées! Je sais désormais quel sera le contenu général des quatre livres du prochain cycle, avec une vision précise de la première et dernière scène qu’on y trouvera. Encore mieux, je sais également quelle sera la trame de fond du troisième cycle, scène finale comprise!

Pas assez? J’ai aussi une nouvelle idée de série pour les 7-8 ans! Aucune idée de quand je serai capable de la mettre sur papier, mais qu’importe, j’adore avoir des idées qui macèrent dans un recoin de mon cerveau!

Bref, maintenant que mon tome hors série est complété, je me sens enfin prête à attaquer le cycle 2! Prête? Mieux en fait, j’ai hâte! Vivement septembre (enfin, presque, n’exagérons rien!)

Cadeaux adultes pour amateurs de livre jeunesse

Décembre vient d’arriver, et avec lui déferle toute une liste de suggestions-cadeaux. Plutôt que de faire comme les autres et de proposer des choix de livre jeunesse, je propose une liste bien plus pointue : une liste de cadeaux pour les adultes qui en sont férus. Pour les livres jeunesse eux-mêmes, vous pouvez lire mes suggestions par âge dans l’entrevue que j’ai donné au blogue de la librairie Monet en septembre (8e question).

Des livres SUR la littérature jeunesse.
Évidemment, à mois d’avoir une liste, on ne peut donner des livres jeunesses, puisque la personne a sans doute déjà tout lu! Il existe par contre de très beaux livres qui parlent de littérature jeunesse. Personnellement, j’aime beaucoup mon « 1001 Livres pour enfants qu’ il faut avoir lus avant de grandir », mais j’ai également vu, à mon dernier passage en librairie, un grand album qui semblait superbe mais dont j’ai malheureusement oublié le nom, et qui racontait l’histoire de la littérature jeunesse.

 

Des divertissements basées sur les contes de fées
Qui dit littérature jeunesse, dit conte de fées! Les amateurs connaissent habituellement Grimm, Anderson et Perrault sur le bout de leurs doigts! Quel plaisir alors que de revoir ces personnages vivre de nouvelles aventures! Côté télé, il y a le fabuleux « Once upon a time », dont la majeure partie du plaisir vient des liens très imaginatifs par lesquels ils ont lié tous ces contes dans un même univers. Côté bandes dessinées, Fables y était bien avant que les contes de fées ne reviennent à la mode. Une série ayant gagné de nombreux prix, on y suit les aventures de Blanche-Neige, le grand méchant loup et les autres dans un New York moderne. Sublime.

 

Des livres pour adultes, mais qui rappellent les thèmes jeunesse
Le premier, The Magicians de Lev Grossman, est mon coup de cœur de l’année. La première partie est une Harry Potter pour adulte, et la deuxième un Chroniques de Narnia pour adulte. Jamais je n’ai autant eu l’impression qu’un livre avait été aussi parfaitement écrit juste pour l’amateur de romans jeunesse que je suis. Malheureusement, seulement en anglais pour le moment.

Le deuxième vient tout juste de sortir en français, et c’est le Cirque des rêves de Erin Morgenstein. Les amateurs de littérature jeunesse sont habituellement dotés d’une grande capacité à se laisser transporter dans des décors fabuleux, et aucun livre n’en offre d’aussi époustouflant!

 

 

Des livres jeunesse dont ils n’ont pas encore entendu parler
Vous me dites qu’ils passent pourtant tous leurs samedis au rayon des nouveautés de leur librairie locale? Je sais, mais il suffit de changer de langue pour les surprendre! Lemony Snicket, surtout connu pour la série Le funeste destin des Baudelaire, est de retour avec Who could that be at this hour. Aucune idée de s’il sortira éventuellement en français.

 

Ma collection d’illustrateurs

S’il est un talent, dans la vie, que j’aurais aimé avoir, c’est bien celui du dessin. Malheureusement, j’ai eut beau pratiquer des heures et prendre des cours, je n’ai jamais été autrement que passable côté reproduction, et sans espoir en création! J’ai un bon œil, mais ma main se refuse de coopérer! J’ai fini par accepter de ne peindre des images qu’avec des mots, mais je m’intéresse toujours beaucoup au travail des illustrateurs. Depuis quelques mois, j’ai même un fichier Word dans lequel je note les noms et les adresses de porte-folio des illustrateurs avec lesquels j’aimerais travailler un jour. En voici quelques uns.

D’abord, un ami : Ghislain Barbe. Il a illustré pour de l’animation télé (Sagwa, c’est lui!), puis pour les jeux vidéos… à quand les livres?

Porte-folio complet

Parlant d’illustrateurs de jeux vidéo, c’est également le métier de Cécile Parigot sur laquelle je suis tombée via une annonce d’exposition de ses œuvres. Je n’ai pas mis les pieds dans la galerie, mais je l’ai Googlé pour trouver son porte-folio.

Porte-folio complet  (Attention, il y a de la musique, vérifiez votre volume)

 

Dans un style complètement différent, mieux adapté aux tout-petits qu’à mon public habituel, il y a Loufane. Je crois bien l’avoir découvert alors que j’épluchais le site des illustrateurs et illustratrices du Québec http://www.illustrationquebec.com/, simplement par plaisir.

Porte-folio complet 

 

Puis, Qin Leng, une Torontoise bilingue, découverte en suivant un lien tout à fait au hasard sur Facebook.

Porte-Folio complet 

 

 

Mon carnet en contient bien une dizaine d’autres, sans compter ceux avec lesquels je travaille déjà, soit Sarah Chamaillard, Martin Roy et Anouk Lacasse.

 

La science, l’imagination, et moi

Le saviez-vous : avant de faire communications à l’université, j’ai fait Biologie. Durant une seule session, mais tout de même, ma présence en cette branche reste tout de même un signe de mon intérêt pour les sciences. Mais sciences et imagination vont-elles de pairs? Absolument, mais d’une drôle de façon. Elles se nourrissent, et se limitent, tour à tour.

 

La science comme limite :

Il y a certains délires desquels je décroche à cause de la science. Je suis absolument prête à accepter toutes sortes de magies, allant de l’apparition à la transformation de matière, mais de drôles de détails peuvent tout anéantir. Par exemple, dans le quatrième tome des aventures en pays d’Oz de Frank L Baum, Dorothé et ses amis arrivent dans un pays au centre de la Terre où il est possible de marcher sur l’air, et même d’y monter et descendre comme sur un escalier. Ma pensée : « mais si l’air est assez dense pour y prendre appui, comment est-ce possible de ne pas s’y sentir empêtré lors de déplacements horizontaux? » Et voilà, d’un seul coup, je ne crois plus en l’univers d’Oz, alors que les animaux qui parlent et les épouvantails vivants ne me posaient aucun problème.

 

La science comme alliée :

Ce même esprit scientifique est toujours présent lorsque je crée des créatures étranges. J’en ai déjà parlé lors de la création des scarpassons, mais depuis, je me suis trouvé une allier en la personne d’une cousine s’étant rendue bien plus loin que moi en biologie. Voici un exemple de nos échanges, paraphrasé pour la cause.

 

Moi : Pour mon roman, j’ai besoins qu’un homme-plante puisse vivre enraciné tout en haut d’une falaise de glace dans un pays nordique! Je fais ça comment? Des sources d’eaux thermiques? Des « plantes à sang chaud »? D’autres idées?

Cousine : Il y a moyen de faire un trio symbiotique homme-lichen crédible dans des conditions polaires : l’homme fourni la chaleur métabolique pour augmenter la température de l’organisme permettant aux algues de  faire de la photosynthèse et aux champignons, de l’absorption

Moi : Ce n’est pas une symbiose, c’est vraiment une plante avec un cerveau et un appareil moteur (genre des bulbes qui s’emplissent et se vident d’air pour faire bouger les branches).

Cousine : Les bulbes, tu devrais les faire remplir de sève, c’est un phénomène qui existe, on appelle ça un squelette hydrostatique.

Lorsque vous croiserez les mots « Squelette hydrostatiques » dans un de mes romans, vous saurez d’où ça vient! Un exemple parfait de la science au service de l’imagination!

Tobie Lolness : ou la différence entre l’art et le divertissement dans la littérature jeunesse

J’avais lu le premier, La vie Suspendue, il y a près d’un an, j’avais adoré. Je viens tout juste de terminer le deuxième, Les yeux d’Elisha. Je suis époustouflée. La série Tobie Lolness est officiellement ce que j’ai lu de mieux en littérature jeunesse, de par ses personnages, de par son intrigue, mais surtout, de par son écriture.

Je m’explique.

La plupart des livres jeunesse, aussi bons soient-ils, sont écrits avec une plume efficace, voire invisible. Si on me demandait, par exemple, si J.K. Rowling écrit bien, je réfléchirais quelques minutes, pour penser : « elle écrit sans doute bien, puisque sa plume ne m’a jamais dérangée lors de la lecture de la série ». Comme de fait, lorsqu’on lit les Harry Potter, l’écriture n’est jamais un obstacle. Ça coule, on se plonge dans l’action, on oublie qu’une personne nous raconte toutes ces péripéties. Bref : une écriture efficace et invisible.

J’ai déjà écrit, sur ce blogue, une ode à l’écriture hyper-présente, mais il s’agit d’autre chose dans le cas de Tobie Lolness. Timothée de Fombelle, l’auteur, écrit merveilleusement bien, d’une écriture qui nous fait arrêter pour dire simplement « wow », comme si nous figurions dans une mauvaise annonce d’hôtel.

Des exemples? Ça va de la simple phrase humoristique intelligente :

Première phrase du deuxième livre :

«  Si la bêtise avait un poids, le major aurait déjà fait craquer la branche ».

 

À la poésie pure et simple :

  Alors qu’une captive accepte un mariage forcé :

« Il n’y avait pas la place pour la moindre poussière d’amour entre les trois lettres de son oui. »

 

On passe donc au-delà de l’efficacité pour entrer dans la beauté de la langue, pour créer des images, des atmosphères, des impressions. Cette utilisation du médium pour aller au-delà de l’histoire narrative pour s’adresser plutôt aux sphères plus aériennes de la pensée n’est-elle pas à la base même de l’ART?

Tout ça pour dire que Tobie Lolness est maintenant ma cible à atteindre au niveau de la qualité, le spécimen à partir duquel chacune de mes œuvres futures sera jugée. La barre est haute!

L’évolution de l’imagination.


 Dans un récent billet, l’auteure Marie Potvin, exprime que, avant d’écrire elle-même, elle se demandait « comment une histoire aussi longue pouvait bien prendre forme dans l’imagination de l’auteur ».  Le questionnement a résonné dans mon esprit, puisque j’ai vécu quelque chose de similaire dans les dernières années. Je m’explique.

 

Ma première série, Terra Incognita, présente une suite d’histoires indépendantes. Tout en écrivant les premiers tomes, je m’extasiais de la capacité d’auteurs comme J.K. Rowling de pouvoir étaler les aventures de leurs personnages sur plusieurs livres. « J’en serais incapable », pensais-je.

 

Pourtant, mon prochain projet sera une série tout ce qu’il y a de plus épique! Étalée sur au moins 8 volumes, l’aventure se poursuivra d’un livre à l’autre. Non seulement j’ai déjà en tête une bonne idée de ce qui se passera dans chacun de ces recueils, mais certaines scènes des quatre premiers livres sont déjà claires à mon esprit.  Non seulement cette chose qui semblait impossible est-elle désormais à ma portée, mais elle me vient de manière toute naturelle, sans forcer.

 

Cette réalisation est presque enivrante! Qui sait quelles autres fausses limites mon cerveau décidera de défoncer la prochaine fois!

 

Un seul sujet, vingt-deux histoires

Dans le dernier mois, j’ai réalisé un contrat pour un éditeur qui me demandait 22 histoires de Noël de 200-230 mots chacune.  Au début, se faire demander une histoire de Noël, ça fait un peu peur. Tout n’a-t-il pas été déjà dit sur le sujet? Alors 22, imaginez!

En listant des thèmes, les dix premières histoires me sont venues assez rapidement. En écrivant les dix premières, une demi-douzaine d’autres ont fait leur apparition. Puis, le flot s’est ralenti. Je dois avouer avoir peiné un peu avec les trois dernières, mais j’y suis arrivée sans jamais dépasser le « une heure par histoire » que je m’étais imposée.

Les ateliers et livres d’autoaide pour laisser sa créativité s’épanouir pullulent, alors que j’ai bien souvent l’impression que tout ce que ça prend pour avoir des idées, c’est une chaise et un deadline. Et encore, la chaise est facultative!

Et c’est là que nait le paradoxe! À travers ces 22 contes, il y en a un que j’apprécie particulièrement et j’ai, comme  chaque fois que j’écris quelque chose dont je suis particulièrement fière, convaincu que je n’aurai pas d’autre idée aussi bonne et que je n’aurais jamais du la gaspiller sur un contrat. Pourtant, une autre heure sur ma chaise, un autre deadline et un texte aussi bon, voire meilleur, jaillira.

Tout ça pour dire que je suis absolument d’accord avec les deux opinions de la dernière chronique littéraire de Stéphane Dompierre : les idées sont à la fois très précieuses et parfaitement renouvelables!

Inventer de nouveaux mots

Dans mon dernier billet, je parlais du changement de contexte comme manière d’ajouter une grande touche d’originalité et de merveilleux à un livre. J’ai envie aujourd’hui de parler d’une deuxième manière, qui est celle d’inventer des mots!

Inventer des bons mots est tout sauf facile! Il existe des experts qui inventent des langues au grand complet, syntaxe comprise, en suivant des règles de logique sémantiques pour leur donner une plus grande crédibilité. Des exemples? Le Klingon de Star Trek, ou l’elfique de Tolkiens. Je ne connais pas d’exemples aussi complexes en littérature jeunesse, mais nous avons des inventeurs de mots extraordinaires! Si les anglophones ont Dr. Seuss, nous avons le non moins formidable Claude Ponti.

Ce qui fait la force des mots de ces deux piliers de l’album illustré, c’est qu’ils sont présents dans le texte comme si ça allait de soi! Pas de traduction, de guillemets ou d’italique pour bien indiquer aux lecteurs qu’ils ne les trouveront pas dans le dictionnaire! Il faut dire que les jeunes sont habitués à rencontrer des mots qu’ils ne connaissent pas et à en déduire le sens selon le contexte. Et c’est là que le choix du mot inventé est important.

Une des techniques de Ponti est de joindre deux mots ensemble pour en créer un. Il en résulte une impression de familiarité qui peut laisser croire que le mot existe, et qui permet d’en comprendre instinctivement le sens.

Par exemple :

« Le dimanche soir, ils s’empigoinfrent comme des Romains » (Mille secrets de poussins)

Ou encore :

« Jules aime faire le glaçon dans un verre de pétillonade. » (L’île des zertes)

Même ses noms de personnages sont faits d’amalgames de mots existants, desquels un sens certain jaillit. Par exemple, un marteau sur patte qui pique des crises en enfonçant tout le monde au sol s’appelle le Martabaf (Marteau + Baffe). On comprend instinctivement qu’il s’agit d’une brute épaisse!

Il lui arrive également d’en inventer des plus farfelus, et dans ce cas, leur incompréhensibilité ne fait qu’ajouter une touche de mystère  son univers.

Par exemple :

Dans une liste des activités des poussins, il est inscrit que, parfois, ils splitouillent une grande Tatouille.

Je dois avouer que même en regardant attentivement les illustrations, je n’ai jamais compris celle-là! C’est un peu comme le langage schtroumpf. Certains sont créés pour être compris, d’autre pour laisser l’imagination du lecteur remplir les trous!

Bref, inventer des mots donne non seulement une crédibilité à un monde inventé, mais ajoute également une jolie touche de poésie. Je ne m’y suis pas encore risquée, mais ça arrivera, c’est certain!

Une question de contexte

Je viens de terminer « Le roi Troll* » de John Hornvolt, une petite merveille américaine publiée en traduction ici par les intouchables. L’histoire en est assez universelle : jeune garçon d’un peuple soumis découvre que leurs chaînes sont fictives et qu’à eux tous, ils sont plus fort que leurs oppresseurs. Bref, c’est Spartacus pour ado!

MAIS! Et le « mais » ici, est énorme, le tout est mis dans un contexte la fois original et savoureux. Le héros en question est un Troll! Les oppresseurs sont des ogres et des goules, et la plus grande menace planant sur eux tous sont les fées, ces êtres diaboliques qui vous transforment en champignons et en tas de fumier!

Grâce au contexte hautement imaginaire, la moindre habitude…

« Il détestait ça. Le maître le réclamait au beau milieu de la journée, au moment où les gens normaux devaient dormir! »

description de personnages…

« C’était une adolescente très mode, avec son gros pif, ses gros os, ses jambes maigres et son visage ingrat ».

ou mention de repas…

« Vulgalia saisit un bout de tentacule bien gras et l’engloutit bruyamment »

deviennent de juteux paragraphes à dévorer!

Chose merveilleuse, le changement de contexte n’empêche nullement l’identification avec le héros. Après tout, la plupart des grands lecteurs de fantastiques se sont déjà un peu senti « trolls opprimés ». On embarque donc complètement dans les souliers de ce Troll adolescent, on ressent ses espoirs de vie meilleure où la nourriture sera abondante, et où le laideron du village voudra enfin sortir avec lui!

Donc, sortons des sentiers battus! Au diable les humanoïdes ennuyants! Portons aux nues des héros-à-tentacules et des héroïnes-à-trois yeux, après tout, en littérature jeunesse, la seule limite est celle de notre propre imagination!

* Petite note, si vous suivez le lien, vous remarquerez qu’il a été classé « livre québécois » chez Renaud-bray. Tssk, tssk!

Le Funeste destin des Beaudelaire, ode à l’écriture hyper-présente.

Durant mon magasinage des fêtes, j’ai mis la main sur le 13e et dernier tome de la série « Le funeste destin des Beaudelaire », traduction de « A series of unfortunate events », écrit par Lemony Snicket.  L’auteur en question n’existe pas plus que Geronimo Stilton, mais a l’avantage d’être le prête-nom d’une seule personne, soit Daniel Handler.

J’avais, lors des grandes années de popularité de la série, lu les trois premiers, qui furent plus tard transformés en film. Sans aucun souci pour le trou de 8 livres, j’ai laissé ma curiosité l’emporter pour savoir comment le tout allait se terminer.

J’en profite pour mentionner que la fin était parfaite : ni trop sucrée, ni trop amère, mais là n’est pas la raison de mon billet. J’ai plutôt envie de parler du style littéraire dans cette série. Un style original, complexe, et qui a dû se voir refusé dans plusieurs maisons d’édition avec l’indication « écriture trop compliquée pour le public cible ».  En guise d’aperçu, voici la première phrase du tome 13 :

« S’il vous est arrivé d’éplucher un oignon, vous avez pu constater que sous la première fine pelure se cache une autre pelure, et sous cette autre fine pelure une autre encore, puis une autre, et une autre, et une autre, si bien qu’avant longtemps vous vous retrouvez avec des dizaines, des centaines de pelures sur la table de la cuisine et des torrents de larmes dans les yeux, au point de regretter d’avoir entrepris d’éplucher cet oignon, pour commencer, et de vous dire que vous auriez mieux fait de le laisser se momifier en paix sur son étagère, mieux fait de poursuivre sans lui le cours de votre vie, quitte à renoncer à tout jamais aux saveurs complexes, envahissantes et douces-amères de cet étrange et âpre légume ».

Des phrases longues, vous pensez? Lemony Snicket se fout éperdument du niveau de langage de son public cible! Il a simplement intégré la complexité dans son style d’écriture. Alors que la tendance est à l’écriture « invisible » pour ne pas nuire au récit, Daniel Handler a créé un narrateur hyper-présent, à l’écriture merveilleusement encombrante!

Côté vocabulaire, il a trouvé la parade parfaite : lorsqu’un mot est trop compliqué, il l’explique, tout simplement.

Par exemple :

« Tout au plus, pouvait-on avancer que c’était plutôt gros, plutôt parallélépipédique – mot redoutable à prononcer signifiant ici : « en forme d’énorme boîte à biscuits » ». (p.100)

Il en vient même à jouer lui-même avec ses propres conventions en donnant des définitions absolument erronée et fictive, mais ayant du sens dans le contexte de l’histoire, comme ci-dessous :

« Mais même cette petite fille frondeuse – et ici, frondeur signifie « aimant les pommes » – ne savoura jamais bouché… » (p.243)

Le tout qui en résulte est un style si personnel que je suis certaine de pouvoir identifier un paragraphe écrit par Lemony Snicket entre mille. J’aimerais un jour qu’on puisse dire la même chose de moi. Et tant pis si ça nuit au récit.