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Classique ou cliché? Dans le doute, s’abstenir!

Iroquois Savage, tiré de "Encyclopedie des Voyages", 1796Cette semaine, j’ai pu continuer un peu Terra Incognita Tome 4, qui n’a pas encore de noms, je dois l’avouer. Côté histoire, c’est celle qui m’a posée le plus de problèmes à ce jour. J’avais déjà parlé de la coupure de ma scène originale dans un précédent billet, mais depuis, la scène avait eu le temps de revenir dans une version que je pensais bien finale. Mais voilà, l’intrigue tournait autour de ce que je pensais être une classique : une tribu d’indigène qui impose trois épreuves à un des naufragés pour être accepté parmi les leurs.

Hors, de classique à cliché, il n’y a qu’un pas. Plus j’approchais de la scène des épreuves, et plus elle me dérangeait. Je me rappelle avoir vu cette structure dans les Schtroumpfs et dans Natasha, mais je suis certaine que ces deux ne sont que la pointe de l’iceberg. La manière grâce à laquelle les naufragés allaient réussir les épreuves avait beau être merveilleusement originale et inventive, le doute n’en planait pas moins : nageais-je en plein cliché?

Dans le doute, s’abstenir! Exit les trois épreuves, remplacées par quelque chose d’autre! Jamais histoire ne m’aura donné autant de difficulté!

Guide théorique de structures narratives non linéaires

La semaine dernière, je suis allée parler d’écriture interactive à des étudiants du niveau collégial. C’est la deuxième fois que je fais ce genre de conférence. La première fois à des étudiants en littérature, et cette fois-ci à des étudiants en jeux vidéo! Convergence, quand tu nous tiens!

Ma présentation comprend les différents schémas narratifs les plus souvent vus en jeux vidéo. Je les partage ici avec vous.

Même chose que dans un livre, un film ou tout média non-interactif, donc pas du tout non-séquentiel.

Si ce genre d’embranchements est assez populaire en fiction interactive, en jeux vidéo on considère habituellement que dédouble le nombre d’heures de travail sans augmenter le nombre d’heures de jeu pour les usagers. Rarement utilisé.

Évidemment, le problème avec une histoire complètement non séquentielle, c’est qu’il est presque impossible de raconter une véritable histoire, puisqu’on n’a aucun contrôle sur l’ordre des informations reçues, et que certaines pièces du puzzle peuvent même n’être jamais trouvées. Ce type de narration est plus efficace pour créer une simple ambiance. En exemple : Animal Crossing.

Beaucoup plus utilisé! Une histoire toute linéaire, avec certains morceaux non essentiels, mais permettant d’approfondir l’histoire ou ses personnages afin de créer une illusion de non-linéarité.

Maintenant passé de mode, mais a été très populaire il y a une dizaine d’années. Il était bien vu de pouvoir mettre au dos de la pochette « plusieurs fins » sur la pochette! Le choix de la fin dépendait du niveau de complétion du jeu par l’usager, ou de quelques choix disséminés à travers l’aventure. Exemples: Abe’s Odyssey et Medievil

Assez utilisé dans les jeux dont les niveaux comportent plusieurs « missions ». Sly Cooper, ou Grand Theft Auto (du moins les premiers) par exemple. Les morceaux d’histoires sont compris dans les missions, et un joueur doit avoir complété certaines missions critiques (donc, être mis au courant de certains morceaux de l’histoire), avant de continuer plus loin. Peut facilement être combiné avec les « side quests ».

Et finalement, les différents points de vue, technique commencée par Resident Evil 2, mais rendue riche et intéressante par Fable et Knights of the Old Republic. En gros, les gens progressent tous dans les mêmes lieux, rencontrent les mêmes personnages, et dénouent les mêmes intrigues, mais de différentes manières selon leurs choix au cours de l’aventure. Selon vos choix précédents, certains personnages réagiront différemment avec vous, ce qui entrainera des dialogues alternatifs. C’est une méthode efficace, puisqu’en jeux vidéos, les coûts d’ajouts d’éléments vont dans cet ordre décroissant : lieux, personnages, dialogues parlés, texte.

Des livres suivant ce schéma bientôt disponibles sur un Ipad près de chez vous!

Un « happy place » pour écrire.

Tiré de la couverture de "The Writer's Desk"Je n’ai pas vraiment réussi à trouver de traduction pour « Happy Place », cet endroit apaisant où notre esprit se réfugie parfois pour s’apaiser.  Depuis longtemps, le mien était une chambre un peu vieillotte et sentant le garde-robe de cèdre chez mes grands-parents. Puis, un jour, en fermant les yeux, l’endroit avait changé. La pièce m’était inconnue, mais surtout, elle comprenait un portable pour écrire.

Depuis, je m’amuse à peaufiner en pensée cet espace de travail utopique.

Il faudrait qu’il soit séparé de la maison par quelques mètres, idéalement m’obliger a traverser un ruisseau ou toute autre démarcation psychologique pouvant être utilisée comme frontière entre le « monde du travail » et le « monde de la maison ».

La chaise serait haute et capitonnée; assez large pour m’y asseoir en indien et assez haute pour que les bras reposent sur le clavier sans tensions.

Sur les murs, je mettrais mes objets d’imaginaire culturel : ma celluloïd de Myazaki, ma planche d’imprimerie de la bande dessinée Isabelle, la carte exclusive de Guy Gavriel Kay, et le dessin encré du premier personnage que j’ai créé juste pour moi plutôt que pour une entreprise, soit une petite sorcière détective, et que j’ai toujours gardé précieusement entre deux cartons.

Côté nourriture, il y aurait une machine à café filtre, et une grosse machine de bureau qui permet de faire moitié café, moitié chocolat en une seule pression de bouton. Également, une distributrice de cochonneries avec un prix prohibitif, juste pour que j’y réfléchisse à deux fois avant de m’empiffrer!

Un piano, pour prendre des pauses, mais aussi au cas où je me mette à la composition de chanson, voire la composition de comédies musicales (ceux qui me connaissent savent que ça ne peut que me tenter comme idée).

Mon ordinateur principal n’aurait que Word et Antidote. Internet et ses nombreuses distractions seraient installés sur un deuxième ordinateur, placé assez loin pour m’obliger à me lever pour m’y rendre. Aucun des deux n’aurait « Spider solitaire ».

Pour l’emplacement et la vue, si Aldebert rêve d’un « triplex à Montmartre avec vue sur la mer », pourquoi ne pourrais-je pas avoir un pigeonnier sur le plateau avec vue sur une forêt? Non? Vue sur les toits alors… préférablement ceux de la ville de Porto.

Et vous? Quel est votre espace de travail rêvé?

Le point de vue du marmiton

Clipart du domaine public, pris sur www.pdclipart.comJe viens tout juste de terminer le dernier Guy Gavriel Kay, Under Heaven, grâce à un marathon de lecture rendu possible par la présence de grands-parents. Une merveille, comme tout ce qu’il écrit, ou presque. Je suis une fan.

Mon grand coup de foudre avec cet auteur tien à un chapitre présent dans la série « Sarantine Mosaic », une saga de Fantasy inspirée de la culture byzantine dans laquelle un artiste de mosaïque se retrouve au cœur des intrigues de la cour.  Bien qu’il ait un narrateur omniscient à la troisième personne, Guy Gavriel Kay aime bien changer le point de vue à partir duquel un chapitre est écrit. Et avec ce point de vue, l’importance de certains aspects de l’histoire varie. Celui qui m’a passionnée tournait autour d’un marmiton de seconde classe, tout jeune sous-chef dans un restaurant fréquenté par la haute.

Tout au long du chapitre, les diverses lignes de récit avancent alors que les aristocrates présents discutent en mangeant.  Stratégie militaire, coup d’État, amourettes aristocratiques, tout y passe au fil des conversations des différents convives. Après tout, le chapitre serait inutile s’il ne servait l’histoire du roman! Mais le point d’orgue de ces cinq pages, en son centre autant qu’en conclusion, est la chose la plus importante pour le personnage en focus, donc notre marmiton. Cette chose? Une des princesses a aimé la soupe qu’il a lui-même assaisonnée. Peu importe les tracas nationaux, c’est ce simple compliment qui fait sa journée.

Et cette journée-là, ce simple chapitre avait fait la mienne!

Mon auteur fictif préféré: Rick Castle!

Vous avez bien lu : auteur fictif, et non pas « auteur de fiction ». Il s’appelle Rick Castle et tient la vedette de la série Américaine Castle sur ABC.  Dont j’ai écouté l’épisode final de la saison hier.

Évidemment, le fait qu’il soit joué par Nathan Fillion (anciennement capitaine Mel dans la série Firefly) ne nuit pas… je suis un peu groupie, mais le véritable attrait tient dans le fait qu’un romancier puisse aider une équipe de policier dans l’investigation de meurtres. Et pourquoi pas! Après tout, les romanciers sont habitués à identifier les incongruités dans une histoire, ainsi que de penser à toutes les alternatives possibles pour lier des faits qui peuvent sembler incongrus! Une dose de logique, une autre d’imagination, une bonne recette pour l’investigation!

Sa personnalité est également loin de l’auteur habituellement présenté par Hollywood : ni diva, ni « poète maudit », il est plutôt charmant, avec juste assez d’insécurité pour être crédibles. Après tout, on ne devient pas auteur sans une certaine part de névrose!

Finalement, pour ajouter au plaisir, les auteurs  James Patterson, Stephen Cannell et

Michael Connelly tiennent leur propre rôle dans la série, en tant que partenaire de Poker de l’auteur fictif Rick Castle! Quelques conseils : “there are only three reasons to commit murder”, quelques blagues amicales “really Castle… only one novel a year?”.

La télévision n’a pas été aussi lettrée depuis Pivot!

Il semblerait d’ailleurs même que je ne sois pas la seule à lui vouer un culte: dans un comic book appelé « love and cape », une case montrait un des personnages en train de livre le livre fictif de l’auteur! Joli clin d’œil!

Ce qui me tue dans cette industrie? Les délais!

"Patience, young Jedi. Patience."Je viens du milieu électronique, web et jeux vidéos. Dans ce monde, chaque projet est toujours menacé par la possibilité qu’un  produit semblable, voire meilleur, ne sorte le premier. Le sentiment d’urgence est constant, et le rythme endiablé. Bien sûr, certains projets peuvent prendre plusieurs années à voir le jour, mais il ne se passe pas une seule journée sans que celui-ci soit en production, pas une seule semaine sans que l’éditeur ne rappelle à tout le monde qu’il faut sortir le plus vite possible.

Puis, j’ai débarqué dans le monde de l’édition. Ici, au contraire, si un produit similaire sort juste avant et rencontre une grande popularité, il encouragera les ventes plutôt que de leur nuire. Je me trompe? Croyez-vous vraiment que Twilight a nui aux autres romans de vampires? Qu’Harry Potter a nui aux autres romans de magiciens? Je ne suis pas une experte, mais à vue extérieure, on dirait plutôt l’inverse! Le résultat, c’est que personne, dans cette industrie, n’est vraiment pressé.

Petite ligne du temps :

Il s’est passé 1 an et demi entre mes envois de manuscrit (2005) et la publication de Terra Incognita : Les naufragés de Chélon. (2007)

Une autre année complète pour qu’ils apparaissent dans la sélection communications jeunesse (2008)

Six moins plus tard, il était sélectionné pour le prix Hackmatack (2009)

Dont les gagnants ont été dévoilés vendredi dernier (2010).

À bien y regarder, tous ces délais, ça donne aussi une belle durée de vie!

Je vais donc prendre mon mal en patience, et continuer d’attendre alors que ça fait maintenant 2 mois que mon nouveau manuscrit est parti, et que je n’ai eu qu’une seule réponse sur 6.

Patience, jeune Jedi, patience.

Ce que j’ai appris sur le métier d’auteur.

12 heures de route, 3 jours et demi sur place, 8 auteurs, Bergeronne était l’occasion parfaite pour une petite débutante naïve comme moi de tenter de percer certains mystères du métier d’auteur. On pose des questions, on ouvre grand les oreilles, et on s’en sort instruit! Voici, en vrac, ce que j’en retire.

Vivre de l’écriture? Absolument possible!

Plusieurs personnes dans cette industrie tentent de vous dissuader d’espérer un jour vivre de l’écriture. Impossible diront certains! Pourtant, des 8 auteurs présents aux Bergeronnes, 4 en vivaient. La moitié! Jolie statistique, non?

Les animations, oui pour toujours!

Ceux qui en vivent font tout de même des animations dans des écoles. On pourrait croire que mes statistiques sont biaisées, puisque Bergeronnes était sous le thème des animations scolaires, mais j’ai également récemment vu un article qui annonçait des animations scolaires de François Barcelo. Si même lui en fait, il faut croire que ça fait partie du métier… quel que soit le chemin parcouru.

Productivité, productivité, productivité!

Chez les auteurs adultes, c’est autre chose, mais chez les auteurs jeunesse, si on veut en faire un vrai métier plutôt qu’un passe-temps, il faut écrire PLUSIEURS livres par année. Ce que j’entends par « plusieurs »? De mon côté, comme je n’écris qu’à temps partiel, j’ai un objectif de 3 par année. Comparé à certains, c’est très peu!

Les salons… dans certaines conditions.

Depuis le début de l’année que je suis en grande réflexion sur la présence en salon du livre. Lesquels? Combien de jours? Etc. Ça fait deux auteurs qui se trouvent surpris de savoir que je vais parfois à des salons à mes propres frais. Il semblerait que, si l’éditeur n’invite pas, on peut essayer de se faire inviter par le salon lui-même. À tenter! Évidemment, si le salon est à distance raisonnable de la maison (ou de la maison d’un ami), ça en vaut la peine! Mais s’il faut payer l’hôtel…, il vaut mieux rester chez soi!

Propositions avant manuscrits

Ce qui est merveilleux, une fois qu’un auteur a publié assez de livres pour être pris au sérieux par un éditeur, c’est la possibilité de vendre un manuscrit avant qu’il soit écrit, simplement avec un synopsis! L’éditeur l’accepte, paie parfois même une partie des droits d’auteurs en avance (eh oui! Ça existe même au Québec!), et il ne reste plus qu’à respecter les délais prévus.  Fini le stress de « et tout d’un coup que j’écris ça pour rien! ».

Vive le DPP!

J’ai eu mon premier chèque du département de prêt public (qui compense les auteurs pour les livres lus en bibliothèque), et ai été agréablement surprise du montant. Plus il y a de livres inscrits, plus le montant a la possibilité d’être élevé. Il y a un plafond… de 3400$. Un joli petit bonus d’après-Noël. Comment arriver à ce plafond? Relire le point trois : productivité, productivité, productivité!

Dans la lignée de la poursuite contre Tintin au Congo… avez-vous relu la Schtroumpfette récemment?

Moi, si. J’ai relu la schtroumpfette. Si je l’avais fait par petite crise de nostalgie, seule avec mes souvenirs, j’aurais ri un bon coup avec beaucoup de satisfaction envers toute l’eau sous les ponts qui est passée depuis sa parution. Malheureusement, je l’ai lu avec un petit bout de femme de 4 ans sur les genoux. Et si ça ne m’a pas donné envie de bruler ma brassière, ça m’a tout de même révolté assez pour cacher ledit album dans le haut de ma bibliothèque, à un endroit bien inaccessible. Publié en 1967?  Il y a des choses qui ne vieillissent pas bien!

Que la schtroumpfette ne puisse pas aller au chantier du pont de la rivière schtroumpf (je cite : « Non, non, la place d’une schtroumpfette n’est pas sur un chantier! C’est trop dangereux et… ») passe encore. J’aurais toujours pu m’en sortir avec une explication sur le changement de mœurs, comme je lui ai déjà expliqué que, s’ils vivaient à notre époque, Jack Monoloy et Marilouche vivraient leur amour en toute quiétude. Le problème est plus profond.

Ça commence avec la formule magique utilisée par Gargamel pour créer la schtroumpfette. En voici la case, mais pour plus de lisibilité, j’ai transcrit le tout juste en dessous.

Tiré de "la schtroumpfette". Copyrights Société IMPS

Un brin de coquetterie
Une solide couche de parti pris
Trois larmes de crocodiles
Une cervelle de linotte
De la poudre de langue de vipère
Un carat de rouerie
Une poignée de colère
Un doigt de tissus de mensonge, cousu de fil blanc, bien sûr
Un boisseau de gourmandise
Un quarteron de mauvaise foi
Un dé d’inconscience
Un trait d’orgueil
Une pinte d’envie
Un zeste de sensiblerie
Une part de sottise et une part de ruse
Beaucoup d’esprit volatil et beaucoup d’obstination
Une chandelle brûlée par les deux bouts

Le tout, non pas pour créer une chipie ou même un monstre maléfique! La formule s’intitule « comment faire une statuette en la dotant d’une nature féminine ». Une nature féminine : cervelle de linotte requise! Joli!

Ce n’est que de l’humour? Continuons!

La schtroumpfette arrive donc chez les schtroumpfs et emmerde tout le monde. À un point tel que les schtroumpfs décident de lui jouer un mauvais tour : lui faire croire qu’elle a grossit!

« Je suis trop grosse! Et je suis laide! Mes cheveux sont dans un état lamentable! J’ai un teint horrible, aucune toilette ne me va! Je veux mouriiir! » se plaint donc notre héroïne.

Le grand schtroumpf, en véritable héros, vient lui sauver la vie en la dotant… de cheveux blonds et de talons hauts. À ses propres mots : « de la chirurgie esthétischtroumpf ».

Et voilà! C’est magique! Elle est toujours aussi capricieuse, manipulatrice et emmerdante qu’avant, mais maintenant qu’elle est jolie, tout le monde trouve ça absolument charmant! N’est-ce pas merveilleux!

Bref, certains albums, comme Tintin au congo et la Schtroumpfette, peuvent bien continuer d’être lus par des adultes à la recherche de la pureté de l’époque, mais serait possiblement mieux d’être tenus dans le haut des bibliothèques…  section adulte. Et pour les enfants qui désireraient en savoir plus sur le personnage? Il paraît que le dernier album des schtroumpfs (T28 : La grande Schtroumpfette) écrit par le fils de Peyo, explore justement le féminisme! Soyons de notre temps!

C’est pour ça que je t’ai-ai-me

Suite du billet de mercredi

Donc, qu’est-ce qui qualifie, selon moi, une bonne justification de sentiment amoureux. En fait, la personne aimée doit venir combler un besoin conscient ou inconscient chez l’autre. Des classiques?

La coincée attirée par une bohème,

La personne hyper organisée attirée par un spontané

Le taciturne attiré par une volubile.

Et vice versa, évidemment.

Listé comme ça, on pourrait y aller du vieil adage que « les contraires s’attirent », mais encore faut-il que la personne ait envie, ou besoin de ce contraire à leur personnalité. Par exemple, un coincé pourrait être absolument exacerbé par le bohème sans que cette frustration ne se transforme en sentiment amoureux. Pour que transformation il y ait, il faut que le besoin y soit. Donc, on peut dire que la justification est une scène qui montre le besoin en question.

Mon exemple préféré ces temps-ci est la série télévisée Chuck, dans laquelle une super espionne fort séduisante (intelligente, douée, jolie, métier glamour, etc) tombe amoureuse d’un geek absolument ordinaire. Leur idylle serait difficile à avaler si ce n’était d’une simple scène superbe :

Ils se promènent dans la ville tous les deux. Le geek fait la conversation et lui demande son groupe de musique préféré. Elle avoue, un peu gênée, ne pas en avoir, que sa vie ne lui en a jamais laissé le loisir.

Toute la scène démontre à quel point l’espionne a un grand vide dans sa vie : l’envie d’une vie normale. Genre de vie qu’elle a l’impression de vivre à chaque fois qu’elle passe du temps avec le geek. À partir de là, on comprend l’attraction; on embarque.

Cupidon a le dos large!

Cupidon par StudioFibonacci, via OpenClipArtTrêve d’anecdotes, de salon, de tournées et d’animations, revenons aux choses sérieuses! Il y a un sujet qui me turlupine depuis un bout de temps, soit la justification de certains sentiments amoureux, ou plus précisément l’absence d’une telle justification en fiction.

Je m’explique.

Dans la vraie vie, on peut se permettre de nager dans une naïveté fleur bleue et croire que « l’amour a ses raisons, que la raison ignore encore » (lieu commun!!).  Donc, Marie peut tomber amoureuse de Jean quelle que soit la personnalité, les valeurs,  les intérêts, le statut social et l’attrait physique de celui-ci.

Lorsqu’on invente une histoire, la crédibilité d’une histoire d’amour va justement souvent dépendre de ces critères. Plus ces caractéristiques sont semblables chez les deux amoureux, plus le lecteur ou spectateur sera prêt à y croire. Dès qu’il y a une différence notable entre les deux personnages à n’importe quel des niveaux mentionnés plus haut, l’histoire doit, et je dis bien doit, comporter au moins une scène qui explique l’attrait entre les deux, mais surtout l’attrait de celui des deux qui pourrait être trouvé « manquant ». Que le laid aime la belle, on embarque. L’inverse? Justification requise!

Les exemples qui me font crier au scandale?

Snow Crash (livre) : L’assassin Raven et l’adolescente Y.T. Lui est presque l’équivalent d’un super héros : impassible, fort, beau, toujours en parfait contrôle. On peut donc facilement imaginer qu’il exerce une force d’attraction sur l’adolescente. Elle? Ordinaire, possiblement une belle personnalité, mais les deux n’échangent que 3 mots, et encore. Que Raven la baise? Sans problèmes. Qu’il l’aime? Je ne le vois pas!

Knocked up (film) : Lui : paresseux, sans ambition, avec une hygiène douteuse, et des amis pires que lui. Elle? Carriériste ultra conservatrice complètement révoltée devant le mode de vie de son co-parent. Ils ont fait un enfant ensemble? So what!!! Demandez aux divorcés si cette activité cimente un couple!

Brassens chantait : «  il y a des jours où Cupidon s’en fout », et bien moi je dis plutôt qu’il y a des jours ou cet angelot armé a le dos large!

Toujours pas convaincu? Vous avez vu Ratatouille? Est-ce qu’il y a une seule personne qui peut me dire pourquoi Colette, la fière et vaillante cuisinière, tomberait amoureuse de Linguini, balayeur qui ne fait rien d’autre que de bafouiller, tomber, gaffer, et surtout, qui ne fait même pas bien la cuisine (chose importante aux yeux de Colette). Il a un cœur d’or, me direz-vous? Alors, montrez-moi une scène dans laquelle il prouve cette qualité devant Colette!

Un exemple dans le réel maintenant? Sarkozy et Carla Bruni! Est-ce que vous y croiriez  aussi facilement s’il était simple manœuvre dans une usine de petits pois? Ils ont une grande différence au niveau de la beauté, mais sa présidence (intelligence, pouvoir, argent) sert de justification.

Point de vue cynique, me direz-vous? Retenez bien que je ne parle pas d’amour véritable, mais bien d’amour fictif qui doit sembler crédible aux yeux des lecteurs et spectateurs. Sans crédibilité, leur attraction aura tout du « Deus Ex Machina », ce qui est impardonnable!

Prochain billet : des exemples de scènes justificatives qui marchent bien! À suivre vendredi.