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Écrire avec un lecteur par-dessus son épaule

Au Salon du livre de Longueuil, quatre courageux et moi avons écrit en direct dans un hall d’entrée, alors que le contenu de notre clavier était projeté sur un écran. Résultat, je n’ai jamais autant écrit en si peu de temps!

Je clamais récemment qu’il n’y avait rien de tel pour attiser ma créativité qu’un deadline, et là, j’ai été servie! Lorsque les gens peuvent lire par-dessus votre épaule, l’échéance pour le moindre mot devient « tout de suite »! J’ai même deux-trois garçons d’une dizaine d’année qui se sont assis devant l’écran pour lire plus confortablement au fur et à mesure. Bonjour la pression! Par leur seule présence, ils semblaient crier, tel Kurt Cobain : « Here we are now, entertain us ! »

Pas le temps de s’attarder sur le mot exact, et pas question de glander sur Facebook! Les phrases devaient se suivre sans pauses! Le résultat, neuf pages (2 000 mots) en une heure et demie. Probablement mon record personnel! Je n’avais prévu qu’écrire les deux premiers chapitres, et j’ai du me lancer dans le troisième sans filet! Est-ce que c’est de la qualité? Je l’ignore, puisque je n’ai pas encore eu le temps de me relire! Chose certaine, ces pages constitueront une base à partir de laquelle bâtir les chapitres finaux.

Bref, est-ce que je recommencerais l’expérience? Sans problèmes! À ce rythme-là, je pourrais doubler mes publications annuelles! Est-ce que je suis prête à réorganiser la chose lors d’un prochain salon, c’est moins certain, et probablement pas de manière bénévole!

Je reste très contente de l’aventure, et remercie chaudement le Salon de Longueuil qui en ont été les complices ainsi que mes confrères et consœurs qui l’ont tenté avec moi!

Un manuscrit en cours? Quel manuscrit en cours?

Samedi prochain sera la journée de mon animation d’écriture en direct. En plus de moi, 5 valeureux volontaires ont décidé de participer :

10h à 11h : Pascal Henrard

11h à 12h : Isabelle Larouche

12h à 13h : Annie Bacon

13h à 14h : Roxane Turcotte

14h à 15h : Mathieu Fortin

15h à 16h : Maxime De Bleu

Le problème, c’est que j’ai dit à tout le monde de simplement travailler un manuscrit en cours… et que je n’en ai pas! Oups!

Comme de fait, j’ai terminé le tome 4 de Terra Incognita juste avant les fêtes, et je n’ai, depuis travaillé que sur des contrats et sur la finition de petits écrits en cours. Rien de substantiel. Le prochain gros morceau sera certainement Terra Incognita Tome 5, mais l’histoire n’est pas encore assez claire dans ma tête pour me lancer, et je n’ai qu’une seule journée de libre d’ici la date fatidique.

Par contre, j’ai une idée pour une nouvelle série qui me tourne en tête depuis cet été. Si le milieu du premier tome reste encore très flou, les deux premiers chapitres, eux, sont limpides. Deux chapitres… Amplement de quoi remplir une heure d’écriture! C’est donc décidé, ceux qui viennent lire par-dessus mon épaule au Salon du livre de Longueuil pourront y découvrir le début d’une série inédite!

Sinon, je serai également présente en signature au kiosque des Éditions du Phoenix (#11 et #12) jeudi et samedi, toute la journée.

Un seul sujet, vingt-deux histoires

Dans le dernier mois, j’ai réalisé un contrat pour un éditeur qui me demandait 22 histoires de Noël de 200-230 mots chacune.  Au début, se faire demander une histoire de Noël, ça fait un peu peur. Tout n’a-t-il pas été déjà dit sur le sujet? Alors 22, imaginez!

En listant des thèmes, les dix premières histoires me sont venues assez rapidement. En écrivant les dix premières, une demi-douzaine d’autres ont fait leur apparition. Puis, le flot s’est ralenti. Je dois avouer avoir peiné un peu avec les trois dernières, mais j’y suis arrivée sans jamais dépasser le « une heure par histoire » que je m’étais imposée.

Les ateliers et livres d’autoaide pour laisser sa créativité s’épanouir pullulent, alors que j’ai bien souvent l’impression que tout ce que ça prend pour avoir des idées, c’est une chaise et un deadline. Et encore, la chaise est facultative!

Et c’est là que nait le paradoxe! À travers ces 22 contes, il y en a un que j’apprécie particulièrement et j’ai, comme  chaque fois que j’écris quelque chose dont je suis particulièrement fière, convaincu que je n’aurai pas d’autre idée aussi bonne et que je n’aurais jamais du la gaspiller sur un contrat. Pourtant, une autre heure sur ma chaise, un autre deadline et un texte aussi bon, voire meilleur, jaillira.

Tout ça pour dire que je suis absolument d’accord avec les deux opinions de la dernière chronique littéraire de Stéphane Dompierre : les idées sont à la fois très précieuses et parfaitement renouvelables!

Un an plus tard, bilan

Avant de me lancer, je m’étais longtemps posé la question : bloguer ou pas. Il m’aura fallu plusieurs mois, voire années, avant de trouver la direction et de me lancer. Deux mois plus tard, une amie me demandait si ça en valait la peine. Il était trop tôt pour répondre. Alors que mon blogue a déjà fêté son premier anniversaire, je crois avoir une meilleure réponse.

Bloguer pour des raisons personnelles
Comme mon blogue en est un de réflexion sur le métier, chaque billet me force à formuler des pensées sur différents aspects de l’écriture et de son industrie. Certaines idées qui seraient restées embryonnaires ont trouvé aboutissement lors de la rédaction de billet, et, lors d’une discussion dans un panel organisé par l’Alliance Numérique, j’ai réalisé que je pouvais plus facilement élaborer sur certains sujets, pour les avoir déjà traité dans mon blogue. Aussi, moi qui ait toujours eu une tendance à m’effacer devant le conflit, le blogue m’a rendue plus ferme dans mes opinions, une qualité que j’ai toujours admirée chez les autres. Je n’ai plus peur de la controverse, au contraire, je l’embrasse!

Bloguer pour des raisons sociales
Auteur est un métier bien solitaire! Si on fait exception des quelques journées de salons du livre, les journées se passent seul devant son écran. Bloguer m’a poussée à participer aux blogues des autres et à communiquer plus souvent sur Facebook et Twitter. Non seulement les conversations qui en résultent sont toujours agréables et appréciées, mais j’en retire même quelques amitiés qui n’auraient jamais vu le jour. Finalement, que dire de ces personnes qui se lient à moi sur Facebook avec un petit mot : « J’aimerais écrire un jour, vous m’inspirez! » Ça rend de bonne humeur pendant des jours!

Bloguer pour un avancement professionnel
En commençant une présence dans les médias sociaux, je croyais atteindre un public et vendre des livres. Ce n’est pas du tout ce qui s’est passé. Mon public est encore au stade de la cours d’école, des jeux vidéo et de la zone jeunesse de Radio-Canada! Par contre, j’ai rejoint plusieurs joueurs de l’industrie qui m’ont ouvert des portes. Suite à un billet, un éditeur m’a contactée directement par courriel. C’est quand la dernière fois qu’un éditeur vous a contacté sans que vous ne leur ayez envoyé de manuscrit? Sans compter que c’est par blogue interposé que je me suis lié d’amitié virtuelle avec une auteure française grâce à qui un de mes manuscrits partira vers une éditrice française la semaine prochaine (plus de détails dans quelques jours). Pas de publication concrète encore, mais de belles opportunités.

Bloguer, même si on n’a pas que ça faire!
Évidemment, pour tant d’avantages, il y a un sacrifice : le temps, cette denrée qui m’est pourtant si rare! J’essais, le plus souvent possible, d’écrire mes billets dans des périodes pendant lesquelles je n’aurais pas écrit de toute manière : le bain des enfants, la sieste du plus jeune, etc. J’ai également pris un rythme que je qualifierais de « raisonnable » avec deux billets par semaine, dont un est souvent écrit durant la fin de semaine. En même temps, je mentirais en disant que ça ne ronge pas un peu sur mon temps d’écriture.

En conclusion : est-ce que ça en vaut la peine? Certainement assez pour continuer une autre année.

Ma liste de « choses à écrire »

Dans mon dernier billet, Gen de La plume et le poing, écrivait en commentaire :

« Je vais inscrire « inventer des mots » sur ma liste des « trucs à faire un jour ou l’autre en écrivant »

Quelle bonne idée, me suis-je exclamée! Voici donc ma liste non-officiel et totalement partielle des « trucs à faire un jour ou l’autre en écrivant».

  • Dans un roman tout  fait normal, avoir un personnage qui ne s’exprime qu’en vers.
  •  
  • Mettre des phrases en dessous des illustrations comme le faisait la Bibliothèque Verte
  •  
  • Écrire une série dans un ton aussi original que « le funeste destin des orphelins Baudelaire».
  •  
  • Créer une nouvelle race complètement originale et loin de tout ce qui est connu
  •  
  • Écrire un texte d’album complètement en alexandrin.
  •  
  • Écrire une série à partir d’animaux comme « Redwall » ou « Le vent dans les saules »
  •  
  • Écrire une journée complète dans une chambre d’hôtel (et me prendre pour J. K. Rowling!)
  •  
  • Inventer des mots, et pas juste des mots pour désigner de nouvelles choses, aussi de nouveaux mots pour designer ce qui existe déjà
  •  
  • Écrire un livre dont vous êtes le héros en format numérique
  •  
  • Inclure le mot « crapahuter »
  •  

Et tout en haut de la liste : en vivre!

Inventer de nouveaux mots

Dans mon dernier billet, je parlais du changement de contexte comme manière d’ajouter une grande touche d’originalité et de merveilleux à un livre. J’ai envie aujourd’hui de parler d’une deuxième manière, qui est celle d’inventer des mots!

Inventer des bons mots est tout sauf facile! Il existe des experts qui inventent des langues au grand complet, syntaxe comprise, en suivant des règles de logique sémantiques pour leur donner une plus grande crédibilité. Des exemples? Le Klingon de Star Trek, ou l’elfique de Tolkiens. Je ne connais pas d’exemples aussi complexes en littérature jeunesse, mais nous avons des inventeurs de mots extraordinaires! Si les anglophones ont Dr. Seuss, nous avons le non moins formidable Claude Ponti.

Ce qui fait la force des mots de ces deux piliers de l’album illustré, c’est qu’ils sont présents dans le texte comme si ça allait de soi! Pas de traduction, de guillemets ou d’italique pour bien indiquer aux lecteurs qu’ils ne les trouveront pas dans le dictionnaire! Il faut dire que les jeunes sont habitués à rencontrer des mots qu’ils ne connaissent pas et à en déduire le sens selon le contexte. Et c’est là que le choix du mot inventé est important.

Une des techniques de Ponti est de joindre deux mots ensemble pour en créer un. Il en résulte une impression de familiarité qui peut laisser croire que le mot existe, et qui permet d’en comprendre instinctivement le sens.

Par exemple :

« Le dimanche soir, ils s’empigoinfrent comme des Romains » (Mille secrets de poussins)

Ou encore :

« Jules aime faire le glaçon dans un verre de pétillonade. » (L’île des zertes)

Même ses noms de personnages sont faits d’amalgames de mots existants, desquels un sens certain jaillit. Par exemple, un marteau sur patte qui pique des crises en enfonçant tout le monde au sol s’appelle le Martabaf (Marteau + Baffe). On comprend instinctivement qu’il s’agit d’une brute épaisse!

Il lui arrive également d’en inventer des plus farfelus, et dans ce cas, leur incompréhensibilité ne fait qu’ajouter une touche de mystère  son univers.

Par exemple :

Dans une liste des activités des poussins, il est inscrit que, parfois, ils splitouillent une grande Tatouille.

Je dois avouer que même en regardant attentivement les illustrations, je n’ai jamais compris celle-là! C’est un peu comme le langage schtroumpf. Certains sont créés pour être compris, d’autre pour laisser l’imagination du lecteur remplir les trous!

Bref, inventer des mots donne non seulement une crédibilité à un monde inventé, mais ajoute également une jolie touche de poésie. Je ne m’y suis pas encore risquée, mais ça arrivera, c’est certain!

Une question de contexte

Je viens de terminer « Le roi Troll* » de John Hornvolt, une petite merveille américaine publiée en traduction ici par les intouchables. L’histoire en est assez universelle : jeune garçon d’un peuple soumis découvre que leurs chaînes sont fictives et qu’à eux tous, ils sont plus fort que leurs oppresseurs. Bref, c’est Spartacus pour ado!

MAIS! Et le « mais » ici, est énorme, le tout est mis dans un contexte la fois original et savoureux. Le héros en question est un Troll! Les oppresseurs sont des ogres et des goules, et la plus grande menace planant sur eux tous sont les fées, ces êtres diaboliques qui vous transforment en champignons et en tas de fumier!

Grâce au contexte hautement imaginaire, la moindre habitude…

« Il détestait ça. Le maître le réclamait au beau milieu de la journée, au moment où les gens normaux devaient dormir! »

description de personnages…

« C’était une adolescente très mode, avec son gros pif, ses gros os, ses jambes maigres et son visage ingrat ».

ou mention de repas…

« Vulgalia saisit un bout de tentacule bien gras et l’engloutit bruyamment »

deviennent de juteux paragraphes à dévorer!

Chose merveilleuse, le changement de contexte n’empêche nullement l’identification avec le héros. Après tout, la plupart des grands lecteurs de fantastiques se sont déjà un peu senti « trolls opprimés ». On embarque donc complètement dans les souliers de ce Troll adolescent, on ressent ses espoirs de vie meilleure où la nourriture sera abondante, et où le laideron du village voudra enfin sortir avec lui!

Donc, sortons des sentiers battus! Au diable les humanoïdes ennuyants! Portons aux nues des héros-à-tentacules et des héroïnes-à-trois yeux, après tout, en littérature jeunesse, la seule limite est celle de notre propre imagination!

* Petite note, si vous suivez le lien, vous remarquerez qu’il a été classé « livre québécois » chez Renaud-bray. Tssk, tssk!

Le nouvel âge d’or des livres dont vous êtes le héros

J’ai déjà discuté de mon impression que les lectrices électroniques étaient des plates-formes parfaites pour les livres dont vous êtes le héros. À ceux qui voulaient bien l’entendre, j’ai même prédit que ces plate-forme amèneraient un nouvel âge d’or de ce genre de livres.  Armée de beaucoup de courage (et d’un crayon à mine), j’ai décidé de revisiter ces livres-jeux de mon enfance en m’attaquant à La Forteresse Maudite, septième tome de la série Loup Solitaire (avec des majuscules partout, comme en anglais).

« Vous êtes Loup Solitaire, le dernier des seigneurs Kaï du Sommerlund et l’unique survivant du massacre qui les décima au cours d’une guerre sans merci avec vos ennemis jurés, les seigneurs des ténèbres d’Helgedad. »

Ça promet.

Voici donc, après une petite heure de jeu (puisqu’il a été déclaré, lors d’une conversation-commentaires avec @Martinlessard que ce genre d’œuvres constituait des jeux plutôt que des livres), voici la liste de ce que le passage au numérique pourra apporter à ce genre.

  1. La personnalisation. Tant qu’à me faire vouvoyer, autant que ça soit par mon vrai nom. « Vous êtes Annie Bacon, la dernière des Dames Kaï » ça sonne pas mal, non?

  2. Le hasard intégré. La plupart de ces livres demandaient l’utilisation d’un dé pour ajouter l’élément de hasard aux combats. La série Loup Solitaire utilise une table de chiffre sur laquelle il faut poser son crayon en se fermant les yeux. L’ordinateur permet de générer ces chiffres de manière automatique.

  3. L’automatisation des calculs. Pour les combats, il faut prendre ses points d’habiletés, y ajouter les bonus, soustraire les points d’habiletés de l’adversaire, etc. Juste la compréhension de la mécanique peut en rebuter plus d’un. En numérique? L’ordinateur calcule le tout à notre place.

  4. Empêcher la triche. Qui n’a jamais vérifié l’aboutissement des différents choix possibles avant de s’engager vers un paragraphe plutôt qu’un autre? En numérique, il suffit de bloquer le bouton « back » et leurs joueurs doivent vivre avec leurs décisions.

  5. Le problème de perte de page. Lors d’un des combats, j’ai complètement oublié de noter le chiffre du paragraphe où j’étais rendue! Il s’en est fallu de peu pour que je doive recommencer l’aventure au complet. En numérique, une petite fonction de sauvegarde automatique règlera ce problème!

  6. Interactivité au-delà du choix de réponse. À cause de son système de paragraphes numérotés, les défis se limitent à de simples choix de réponse. Avec l’entré de donné possible en numérique, le joueur pourrait être obligé de se souvenir d’une formule magique et la rédiger correctement, trouver la réponse d’une énigme, écrire le nom d’un contact, etc. On pourrait demander au joueur de lire, comprendre, et réfléchir plutôt que de lui demander de deviner si le tunnel de droite est un meilleur choix que la porte de gauche.

Ça vous donne pas le goût?

Faute avouée…

Dans Anathem (Neal Stephenson), que je viens tout juste de terminer, il y a un moment où l’action devient invraisemblable. Les personnages principaux sont envoyés pour une mission, et le lecteur ne peut s’empêcher de penser qu’il devait y avoir, sur la planète, des centaines de personnes mieux qualifiées pour cette mission. Évidemment, pour les besoins de l’histoire, les personnages principaux devaient s’y coller. Que fait un auteur chevronné devant un tel problème? Est-ce qu’il ferme les yeux en espérant que les lecteurs ne se rendront compte de rien? C’est risqué! Mieux vaut avouer sa faiblesse discrètement.

C’est certainement ce qu’à fait Stephenson. Ainsi, le héros demande à un de ses contacts pourquoi diables ils ont été envoyés alors que d’autres auraient certainement mieux fait l’affaire. L’autre explique le choix, mais sa justification importe peu. À sa manière, l’auteur nous a déjà avoué : « je sais, c’est pas tout à fait naturel. »

Il m’est arrivé la même chose dans le tome trois de Terra Incognita. Cette fois-ci, c’était une répétition. Un personnage se retrouvait en prison pour la deuxième fois en deux romans. Lorsque je m’en suis rendu compte, il était trop tard pour changer la scène. J’ai donc plutôt ajouté la chose suivante :

Aldebert, qui vient à peine de terminer une longue peine dans une prison pirate, s’étend sur la paillasse comme un habitué.

— J’ai un vague sentiment de déjà vu ! s’exclame-t-il en fermant les yeux.

La phrase est un aveu: « Je sais, c’est répétitif, je m’en suis rendu compte et je m’en excuse. » Évidemment, ça ne change rien à la faute, mais au moins les lecteurs sauront que nous sommes assez intelligents pour avoir remarqué le problème, et qu’on ne les prend pas pour des imbéciles, puisque nous n’avons pas essayé de « leur en passer une » en douce. Après tout, ne dit-on pas que faute avouée, à moitié pardonnée?

Où l’auteure se réchauffe à l’idée de la nouvelle orthographe

Au Salon du livre de Montréal, la plupart des auteurs en signature se sont vu remettre un petit guide simplifié de la nouvelle orthographe. Retenant un réflexe de l’envoyer avec dédain vers le plus proche bac de recyclage avec un « Pfffh! Écrire ognon sans I, faut-tu être cave », je l’ai glissé dans mon sac. Un test pour vérifier si on n’utilise pas déjà la nouvelle orthographe avait attiré mon esprit. « Ça pourrait faire un bon billet », pensais-je, certaine que le billet en question serait incisif et rempli de dérision.

Mais entre les deux, j’ai lu ledit livre, et j’ai réfléchi.

Première conclusion : il ne s’agit pas d’un nivèlement par le bas

L’intention derrière la nouvelle orthographe n’est pas de simplifier la langue pour des étudiants paresseux. Ce n’est pas une écriture phonétique, et non, le pluriel de cheval n’y est pas « chevals » comme le croient certaines rumeurs.

Il s’agit plutôt de standardisation :

Ex : On écrit « éléphanteau », « baleineau » et « lionceau »,  mais « levraut ». POURQUOI? Allez, fait comme tout le monde, petit lièvre. Ce sera dorénavant « levreau ».

D’une francisation des termes étrangers passés dans notre vocabulaire :

Ex : « révolver » plutôt que « revolver », « des raviolis », avec un S, parce qu’aucun francophone n’a jamais dit : « un raviolo ».

Et d’une simple question de bon sens :

Ex : puisque c’est le « U » dont on désire indiquer la prononciation dans le mot « ambiguë », pourquoi diable le tréma serait-il sur le « E »? Allez, hop! « ambigüe »!

Deuxième conclusion : la disparition de quelques accents circonflexes n’appauvrira ni la beauté de nos textes, ni la profondeur de nos esprits

Je connais l’importance du Verbe. Après tout, c’est le langage qui structure la pensée. Par contre, c’est le langage dans sa structure, sa syntaxe et l’ampleur de son vocabulaire qui en forme la richesse. À l’écrit, le langage ne sert pas à la réflexion de l’auteur, mais bien au transfert de cette même réflexion. En tant qu’outil de communication, il a avantage à être simple, complet et efficace. Dans ce cas, à condition que les règles de grammaire continuent d’aider à la compréhension du sens, la fonction est remplie.

Troisième conclusion : l’évolution est une bonne chose

Est-ce simplement une peur du changement qui nous fait cracher sur la nouvelle orthographe à la moindre apparition d’un mot dont l’amalgame de lettres n’est pas en accord avec nos habitudes? Est-ce que « nénufar », c’est vraiment si choquant? Surtout lorsque l’on sait que le mot vient du perse « nînûfar »? En tenant mordicus à l’orthographe classique, nous sonnerons éventuellement comme nos parents qui vont encore acheter leur vin « à la commission des liqueurs » (où à la « régie » selon l’âge de vos parents). Pour refuser que la langue écrite change, il faudrait être capable de clamer qu’elle est parfaite. Comme ce n’est certainement pas le cas, j’ai décidé de voir le changement comme de l’amélioration plutôt que du sabotage. Vive le progrès!

En conclusion, ce billet n’est pas un manifeste de fanatique! Malgré mes nombreux exemples positifs, certaines règles me laissent encore bien perplexe. Je n’ai pas changé les options de mon Antidote, et mon prochain roman ne suivra pas les règles de la nouvelle orthographe (de toute manière, mon éditrice est contre!). J’ai simplement une nouvelle ouverture d’esprit face à cette évolution.