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Parlons revenu 2023

C’est entièrement la faute de Mathieu Fortin (achetez ses livres, ils sont fantastiques!), qui a fait l’exercice dans un de nos espace de communications entre auteurs. Je me suis dit que ça faisait longtemps que je n’avais pas parlé de revenus sur mon site, alors que je le faisais presque annuellement au début de ce blogue. On dirait que, depuis que je fais quelque chose qui ressemble à un vrai salaire, je me garde une petite gêne. J’ai donc adopté (volé?) l’idée de Mathieu de parler de répartition plutôt que de chiffres absolus.

Voici donc comment se sont réparties mes différentes sortes de revenus durant les cinq dernières années :

Notez que :

  • Dans « droits d’auteurs », je compte le DPP (sous pour les prêts en bibliothèques) et Copiebec (sous pour les photocopies en milieu scolaire).
  • Dans les revenus d’animations, je n’ai pas enlevé les dépenses de déplacements
  • Dans « autres », je compte la pige en rédaction, celle en jeux vidéo, les bourses, et tout autre revenu étrange.

Qu’est-ce que je retiens de l’exercice?

2020 était une très drôle d’année!
J’étais en France pour les cinq premiers mois de l’année et la pandémie a frappé. Le nombre d’animations scolaires a donc été particulièrement bas, et j’ai dû me « réinventer » comme nous le demandait tout le monde. La bonne nouvelle, c’est que j’ai réussi et c’est pourquoi la portion « autres » est venue prendre tant de place. Une bourse, un projet culturel et un gros contrat de pige sont venus me permettre de boucler mon budget. Cette année est donc à oublier dans les réflexions qui suivent.

Les animations scolaires sont vraiment une grosse partie de mon travail
Les animations scolaires occupent habituellement deux journées de chacune de mes semaines entre les mois d’octobre et de juin. De manière proportionnelle, elles me fournissent entre le tiers et la moitié de mes revenus, systématiquement. Elles n’ont pas dépassé 50% depuis 2018 et j’espère bien garder cette tendance.

Mes droits d’auteurs ne sont pas négligeables!
Ils occupent, eux aussi, entre le tiers et la moitié de mes revenus, dépassant même le 50% à deux reprises dans les dernières années (2019 et 2022). C’est certain que c’est un but à atteindre, pour moi. Si je pouvais ne plus jamais redescendre en dessous de ce 50%, je me considérerais une autrice comblée.

Décider de couper dans les « autres » était une bonne idée!
J’ai parlé récemment de ma décision de ne plus faire de pige en rédaction ou en jeux vidéos. Ces graphiques me confirment que c’était la bonne décision. Ils ne représentent qu’une partie infime de mes revenus, et mieux vaut donc mettre mon énergie dans mes manuscrits, plus payants à long terme.

Il me reste à voir ce que me réserve 2023!

Cet objet mystérieux qui trahit mon âge!

Je fais de plus en plus souvent des animations au secondaire avec des classes qui ont lu les Chroniques post-apocalyptiques d’une enfant sage. En parlant du livre avec les élèves et les professeurs, j’ai réalisé que j’ai glissé un anachronisme dans les actions de mon héroïne.

Durant mon animation, je demande aux élèves ce que fait Astrid lorsqu’elle n’a plus rien à manger. La réponse courte : « Elle trouve un restaurant ». La réponse longue que je reçois parfois : « Elle regarde dans un livre bizarre pour trouver un restaurant ».

Le livre en question : un annuaire Pages Jaunes.

Pour la quarantenaire que je suis, il était tout normal qu’Astrid pense à regarder dans les pages jaunes pour trouver un magasin. En réalité, les jeunes d’aujourd’hui n’ont jamais rencontré cet objet.

Oups!

C’est le genre de chose qui risque de m’arriver de plus en plus. Mes enfants, qui me gardent ancrée dans la culture de mes lecteurs depuis des années, grandissent! La plus jeune entre au secondaire l’année prochaine et dépassera donc très bientôt l’âge de mon public.

Deviendrais-je alors une autrice dépassée?

Mes préférés de la dernière année!

C’est une tradition familiale, au souper du jour de l’an, on liste nos divertissements préférés de l’année, par catégorie. J’ai eu envie de vous partager mes réponses, puisqu’on ne parle jamais assez de culture, surtout sur Internet, encore plus sur les médias sociaux!

Évidemment, je n’ai pas tout lu, tout vu et tout joué ce qui est sorti! Les œuvres citées ci-dessous représentent donc simplement mes préférées parmi celles que j’ai consommées en 2022.

Film : Everything, Everywhere, All at once.
Quel incroyable voyage que celui-ci! Après quelques premières scènes tout ce qu’il y a de plus ordinaires pour installer les personnages, on est entraînés dans une aventure si diverse, originale et inattendue qu’on en vient à penser que tout est possible. Le gros plus : à travers toute cette folie, le réalisateur ne perd ni son fil narratif, ni les impacts émotifs de vue. Grandiose.

Musique : Antoine Hénault
C’est ma découverte de cette année en chanson française. Des textes intelligents, qui ne se prennent pas toujours au sérieux, une trame musicale que l’on se surprend à fredonner, un univers qui gagne à être découvert. Quelques-unes de mes chansons préférées :

Livre : Alma
J’ai lu les deux tomes pendant l’année. C’est du grand Timothée de Fombelle, comme je l’aime. Les personnages sont attachants, l’aventure palpitante, et la plume toujours aussi belle. J’ai tardé avant d’embarquer dans la série (dont le premier tome est sorti en 2020), mais je me précipiterai sur le prochain dès sa sortie.

Jeux vidéo : Horizon Forbidden West
J’aurais bien aimé mettre un jeu indépendant, comme Death’s door, ou Cult of the lamb, que j’ai tous les deux adorés, mais ils ne peuvent rivaliser avec l’ampleur du béhémoth qu’est cette suite à Horizon. Encore une fois, l’univers est épique et très immersif, les personnages attachants, et les poussées d’adrénalines nombreuses. Bref, des heures et des heures de plaisir!

Découverte culturelle de l’année : Webtoon
C’est une catégorie un peu floue, qui prend la culture à son sens plus large. On peut y lister un genre complet, un nouveau format ou médium, un poste de radio, une salle de théâtre, etc. Cette année, j’ai mis l’application de bandes dessinées en ligne « Webtoon », sur lequel j’ai dévoré tous les épisodes de Spaceboy, de Heartstopper et de Lore Olympus. Moi qui adore lire des bandes dessinées en rafale, je peux y passer des heures! (et j’accepte les suggestions de nouvelles séries à commencer).

Prédictions 2023

Bonne année tout le monde! Quelle vous soit douce, palpitante, reposante ou exaltante selon vos envies ! De mon côté, j’ai été plutôt gâtée professionnellement l’année dernière, alors je n’ose pas faire l’exigeante pour la prochaine!

Voici tout de même ce qui s’en vient!

Côté publications :
Une autre grosse année… je vais finir par croire que 4-5 livres, c’est ma nouvelle normalité. Ce qui est drôle dans cette liste, c’est que pour autant de livres il y a seulement deux éditeurs!

  • Les Abysses Tome 1 : la mine de lave, Druide
  • Romane et les émotis Tome 2 : Joie, Québec-Amérique
  • Une nouvelle dans le second collectif Les petits mystères à l’école, Druide
  • Pétronille Tome 6 : Pattes d’araignées véganes, Druide
  • Romane et les émotis Tome 3 : Mélancolie, Québec-Amérique

Celui auquel j’ai le plus hâte est Les Abysses, puisque je vous y propose un nouvel univers. J’y reviens à un style assez proche de Victor Cordi… de plus d’une manière (je vous en reparle très bientôt).

Côté écriture :
Vous vous en doutez, considérant le nombre de « Tome » suivis d’un chiffre dans la liste précédente, il y aura écriture de suites pendant l’année qui vient! Plus précisément :

  • Les Abysses Tome 2 (déjà commencé en 2022)
  • Pétronille Tome 7

Mais aussi des nouveautés :

  • Projet secret pour lequel j’ai reçu une bourse et que j’appellerai « projet nuages » jusqu’à nouvel ordre
  • Participation à un collectif aux 400 coups

J’aurai peut-être le temps de commencer un dernier manuscrit avant la fin de l’année… soit le tome final de Les Abysses, soit un quatrième Romane et les émotis, selon la popularité de la série.

Côté souhaits :
Ce dont je rêve pour l’année qui commence? Un déplacement épique, peut-être. Comme la tournée dans le Grand Nord que j’ai dû refuser lorsque je suis partie en France, ou une participation à un salon européen, pour lequel je vais essayer d’obtenir une bourse. Je n’ai pas voyagé bien loin de chez moi depuis le début de la pandémie, et ma valise me démange!

Sinon, n’importe quoi d’excitant pour un de mes livres. Une traduction, une adaptation, pourquoi pas?  À quoi sert les prévisions de l’année si ce n’est qu’à rêver un peu! 😉

Bonne année à tous, au plaisir que nos chemins s’y croisent!

Bilan 2022 : l’année des albums!

Grosse année de publication, grosse année d’écriture, on voit que mes enfants ont grandi et que mon horaire familial s’est allégé! Entre deux albums publiés (Les nouvelles du futur et De la Beauté), la promotion de Paul Thibault sorti peu avant le début de l’année et un nouveau projet en discussion avec les 400 coups, j’ai déclaré l’année qui s’achève « année des albums ». Ce n’est peut-être pas l’année pendant laquelle j’ai commencé à en écrire, mais c’est certainement celle où les albums sont devenus un outil officiel de mon arsenal.

Publication
Avec pas moins de cinq titres publiés chez quatre éditeurs différents, 2022 est probablement ma plus imposante en carrière du côté du nombre de livres sortis!
Les voici :

Ouf! Je peux bien avoir écrit un billet de blogue sur la peur de me diluer!

Écriture
Je réalise en écrivant la liste ci-dessous que je n’ai écrit que des suites, si on exclut la proposition d’album et la nouvelle littéraire qui se sont écrites chacunes en quelques heures. Je trouve ça étrangement déprimant, alors qu’en fait, c’est plutôt un beau problème.

  • Romane et les émotis T2
  • Pétronille T6
  • Nouvelle littéraire pour un collectif
  • Romane et les émotis T3
  • Petit projet d’album
  • Environ la moitié d’un premier jet de Les Abysses T2.

Et le reste!
Du côté de la « bucket list », ou si vous préférez « liste des souhaits pour ma carrière », j’ai finalement un éditeur français qui a choisi de prendre une de mes séries publiées au Québec. Le premier tome de Pétronille Inc. est donc disponible de l’autre côté de l’Atlantique depuis quelques mois. Par contre, je n’ai absolument aucune idée de comment les choses se passent! Je le saurai dans un an, lorsque je recevrai les chiffres de ventes.

Je suis aussi sur un nouveau Jury qui m’amuse énormément! Mais ça, je vous en parlerai une fois que les prix auront été distribués!

Trois phases de relation avec les Salons du livre

Ça fait maintenant quinze ans que je fais des salons du livre, et j’ai remarqué de grands changements non pas dans les salons eux-mêmes (changent-ils vraiment?), mais dans ce que j’en attends et en retire.

Au tout début : la vente à tout prix.

Jeune autrice absolument inconnue, les salons étaient le seul endroit qui me donnait une impression de contrôle sur les ventes du livre une fois celui-ci publié. J’ai carburé à la vente, prenant chaque nouveau lecteur comme une marche vers le succès, multipliant les heures avec l’impression que c’est nécessaire pour réussir.

J’ai d’ailleurs retrouvé ce billet de 2010 dans lequel j’en parle.

Cette pression de la vente est stressante, épuisante, euphorisante lorsque les choses vont bien… et désespérante les jours où ça ne marche pas.

Trois ans plus tard, épiphanie lors de la lecture d’un billet de blogue de Mylène Gilbert-Dumas : j’ai compris que ça ne faisait aucun sens, et je suis passé à la phase d’après.

Deuxième phase : la validation personnelle

Libérée du stress de la vente à tout prix, et avec de plus de titres publiés à mon actif, je me suis mise à apprécier les salons.

Il suffisait alors qu’un enfant s’arrête devant ma table tout content d’apprendre qu’il y a une suite au roman qu’il a aimé, qu’un professeur passe raconter une anecdote survenue alors qu’elle lisait le livre en classe ou qu’un lecteur amène un livre de la maison pour le faire signer pour que je quitte le salon avec l’impression que ça en avait valu la peine.

Pourtant, je restais envieuse des files d’attente des autres, et facilement découragée par une heures passée seule à ma table. Avec le recul, je réalise que les salons me servaient alors de validation personnelle, de preuve que mes livres existent à l’extérieur de moi. C’est très rassurant, pour un auteur, de se savoir lu.

Puis, j’ai atteint ce point confortable dans ma carrière qui me donne l’impression de ne plus rien avoir à prouver, ni aux autres ni à moi-même. C’est alors que les salons deviennent…

Maintenant : du pur bonheur

Voilà où j’en suis, enfin, après 15 ans de salons. J’accueille autant les heures creuses que les heures achalandées, autant les discussions que les longs silences à observer la foule. Je profite simplement du plaisir de faire partie de cette grande fête autour de la lecture.

J’ai des chiffres de ventes qui me rappellent que mes livres marchent bien même si je n’ai pas vendu un seul exemplaire de la journée. J’ai juste assez de lecteurs qui viennent me voir avec un livre apporté exprès de la maison pour que je n’aie pas à m’inquiéter d’être venue pour rien.

J’ai atteint la zénitude de Salon.

J’étais donc doublement déçue de devoir mettre fin à mon salon du livre de Montréal pour cause de maladie après deux jours de présence seulement sur les quatre prévus.

Je pense que je vais me reprendre en prévoyant une journée supplémentaire à celui de Québec! Pas pour des raisons marketing, mais bien pour mon plaisir personnel!

Deux professeurs, deux sons de cloche

Dans une de mes classes des dernières semaines, un professeur m’a raconté que ses élèves lisaient de moins en moins au fil des années. Il avait bien toujours quelques exceptions, un ou deux gros lecteurs par classe qui ferait mentir ses impressions, mais il constatait que sa bibliothèque de classe n’était pas aussi visitée qu’au début de sa carrière.

Quelques jours plus tard, j’ai profité d’une animation dans la classe d’une amie pour lui poser la question : avait-elle constaté elle aussi une baisse dans les envies de lecture de ses élèves? Sa réponse, et celle de ses collègues ayant entendu ma question: pas du tout!  Elles m’ont parlé de la richesse de l’offre qui s’est étoffée avec les années, et m’ont raconté avoir rapporté des livres de la bibliothèque plus tard que la veille, qui avaient trouvé preneur à une vitesse record. Une des professeurs a ajouté un bémol: “Ils sont réfractaires aux vieux livres”. Je dois avouer que c’est quelque chose que j’ai vécu avec mes propres enfants. On dirait que les jeunes ont un radar à “vieux livres” qui disqualifie ceux-ci automatiquement de leur liste d’intérêt. Même mes bandes dessinées d’enfance, gardées précieusement, ont été peu lues par mes enfants, pourtant bédéphiles.

À la lumière de ces infos, j’ai repensé au premier professeur. Sur le bureau de chacun de ses élèves se trouvait le livre “Le bizarre incident du chien pendant la nuit”, clairement leur lecture obligatoire du moment. Un très bon livre dont j’ai applaudi la sélection sur le coup… mais à bien y réfléchir, écrit pour les adultes et publié il y a près de 20 ans (2003). Je n’ai pas vu la bibliothèque de sa classe, mais avec le recul, je ne peux que me demander s’il y avait longtemps qu’il n’avait pas renouvelé les livres qui s’y trouvaient, ce qui pourrait expliquer le manque d’enthousiasme des élèves. *

Je me suis aussi rappelé la professeure de maternelle de mes enfants, qui expliquait aux parents que son véritable rôle était d’amener les enfants à aimer l’école. Dans le fond, côté lecture au primaire, le véritable rôle des professeurs n’est-il pas de leur faire aimer la lecture de prime abord? Les jeunes auront bien assez du reste de leur parcours pour apprendre à apprécier la littérature plus costaude et les grands classiques.

Remarquez, si j’en juge le peu d’enthousiasme de mon cégépien envers sa lecture obligatoire de Balzac, ce n’est pas gagné d’avance!!!

* J’en profite pour rappeler à ceux qui ont des enfants au primaire que les livres jeunesses font d’excellents cadeaux de Noël pour les professeurs!

Tom Gauld : l’humoriste littéraire

On a tous vu passer de ses vignettes dans nos réseaux sociaux, parfois sans source citée. Le héros qui se plaint que l’aventure était plus palpitante avant que son compagnon ne mette la main sur le schéma narratif, c’est lui. La bibliothèque colorée avec une légende allant de « prétendument lu » à « lu mais impossible de me souvenir d’une ligne », c’est lui aussi : Tom Gauld.

Son plus récent livre en français : La revanche des bibliothécaires

C’est un bédéiste écossais habitant à Londres, mais la raison pour laquelle j’avais envie de vous parler de lui, c’est que son sujet d’humour préféré, c’est la littérature! Ses albums regorgent de livres, d’auteurs, de bibliothèques, de références littéraires et bien d’autres.

Comme ceci :

Tiré de « En cuisine avec Kafka » de Tom Gauld.

J’ai lu « En cuisine avec Karfa », dans lequel j’ai trouvé :

  • des livres qui se désespèrent que leur adaptation en film soit meilleur qu’eux
  • des héroïnes victoriennes qui incluent des émojis à leur correspondance
  • des bandeaux-jaquettes qui annoncent : « par l’auteur d’un roman plus connu et bien meilleur »
  • des chapitres inconnus de Charlie et la chocolaterie
  • et même un labyrinthe pour guider un auteur d’autobiographie vers son prix tout en évitant les amis et la famille en colère.

Ses livres, publiés par Drawn & Quarterly en anglais et chez Alto en traduction française, font de parfaits cadeaux de Noël pour les amateurs de livres!

Pour un cadeau plus « glamour » encore, faites comme mon mari, qui m’a acheté un original à encadrer il y a quelques années!

Dessin original de Tom Gauld accroché sur mon mur!

Les dessins disponibles à l’achat sont listés sur le site de Tom Gauld à cette adresse: https://www.tomgauld.com/art-for-sale

 

Filer vs tisser

Illustration de Piotr Siedlecki prise sur Publicdomainpictures.netJe fais souvent des blagues de longueur de manuscrits avec mes amis qui écrivent pour un public un peu plus âgé. Pour moi, une longueur normale de manuscrit se trouve autour de 20 000 mots (comme mes Victor Cordi). Moins, c’est court et facile (Pétronille inc.). Plus, c’est long et difficile (Soutermonde).

Pour mon premier roman ayant dépassé les 30 000 mots, soit Le Soutermonde, je m’en suis sortie en séparant l’histoire en trois parties, chacune étant située dans un lieu différent. Ça m’a permis de traiter chacune des parties comme étant une histoire individuelle de 10 000 mots, une « bouchée » raisonnable pour moi.

Mon plus long roman, la Promesse du fleuve, est encore plus morcelé. Il est écrit comme un « road trip », avec une trame narrative différente à chaque escale, et l’évolution des personnages en fil conducteur.

Dans les deux cas, les problèmes et les péripéties se succèdent de façon linéaire. Problème, solution, problème, solution. C’est ce que j’appelle « filer », comme on le ferait pour transformer la laine cardée en un long fil.

Pour Les Abysses (prévu pour l’automne) j’ai réussi, pour la première fois, à bâtir une grande intrigue à plusieurs trames s’étalant sur 30 000 mots. Un seul lieu, aucune coupure nette, mais plusieurs fils qui se croisent et s’entrecroisent pour finalement aboutir au climax. C’est ce que j’appelle « Tisser ».

L’auteur Jim Butcher est un champion de cette technique. Son héros, Harry Dresden, est toujours aux prises avec trois à cinq problèmes à la fois. Il court comme une fort divertissante poule sans tête d’une catastrophe à l’autre jusqu’à ce que tout soir réglé (habituellement en apothéose dans les deux derniers chapitres).

Je me suis fait la même réflexion avec Cloud Cuckoo Land de Anthony Doerr (paru en français cet automne sous le nom « La cité des nuages et des oiseaux »). C’est un livre grandiose. « un chef-d’œuvre » clame même le petit bandeau rouge de l’édition Albin Michel. Ce roman choral alterne entre des personnages de 4 époques différentes. Et si j’ai adoré cette lecture, je ne crois pas que l’histoire de chaque personnage, prise séparément, soit si extraordinaire. L’alternance fait toute la différence.

Je travaillais cette semaine sur le plan du deuxième tome des Abysses. J’avais fait une première ébauche, dont je n’étais pas tout satisfaite. Soudain, je me suis mis à intercaler les scènes de la première partie de ma trame narrative avec celles de la deuxième partie… et la magie s’est opérée!

J’attaque donc cette semaine l’écriture de ce nouveau manuscrit avec enthousiasme, sachant que la somme des scènes dépassera la valeur de chacune prise séparément.