(Industrie de la nouveauté, partie 2.
La partie 1 est ici!)
J’ai parlé, la semaine dernière, de comment l’industrie du livre était de plus en plus fondée sur les nouveautés et les best-sellers. Mais des auteurs et des éditeurs réussissent à tirer leur épingle du jeu à l’extérieur de cette « game », et c’est d’eux dont je voudrais vous entretenir aujourd’hui.
Vendre à l’extérieur des librairies
Mon premier Éditeur, les Éditions du Phoenix sont de ceux-là. Leurs livres ne font pas nécessairement les listes de best-sellers, et ne visitent pas nécessairement les cubes des grandes chaînes (à quelques exceptions près). Pourtant, mon premier livre, Les Naufragés de Chélon, publié en 2007, me rapporte encore quelques centaines de dollars par année, huit ans après sa sortie. Comment réussissent-ils ce prodige? Ils font d’excellentes ventes en salon du livre, entre autres grâce à leur kiosque en région, dans lesquels ils mettent les livres en avant du kiosque, sur des grandes tables à auteur d’yeux d’enfant. Aussi, ils ont travaillé leur réseau auprès des bibliothèques et des écoles. Leurs livres ont des durées de vies extraordinaires!
Utiliser les animations pour faire revenir les livres en librairie
La plupart des auteurs jeunesse font des animations scolaires et laissent ensuite derrière eux des jeunes intéressés à lire les livres présentés. Mais si les livres ne sont pas disponibles en librairie, très peu des jeunes intéressés mettront la main dessus! Un petit coup de fil à la librairie indépendante la plus proche, deux semaines avant l’animation, permet d’en avertir le libraire, qui s’assurera d’avoir les livres en stock. Ça permet à l’auteur d’avoir une réponse toute prête lorsque l’inévitable question de « ou est-ce qu’on peut trouver vos livres? » arrivera. Ça permet aux jeunes ne trouver le livre facilement, et ça permet au libraire local de faire des ventes plutôt que de les perdre au profit d’Amazone. Tout le monde est content.
Notez que le processus est beaucoup plus compliqué pour les grandes chaînes de librairie, puisque les libraires sur place ne peuvent commander eux-mêmes des titres. Il faut s’adresser aux acheteurs de la maison mère, mais comme ils refusent de parler aux auteurs, il faut passer par les représentants de la maison de distribution des livres… ce qui peut être compliqué lorsque, comme moi, vous avez plusieurs maisons différentes.
Faire partie du fond!
Le « fond », ou liste des livres rendus assez classiques pour rester en librairie en tout temps, est peut-être moins important qu’il a déjà été, mais il existe bel et bien! Les auteurs y entrent en publiant, année après année, des livres d’une qualité exceptionnelle. Dans les dernières années, on peut dire qu’Élise Gravel et Marianne Dubuc sont entrées dans le « fond ». D’ailleurs, lorsque la Courte Échelle ont réimprimé les livres de ces deux auteurs, après des mois de pénurie, les libraires ont crié de joie!
Côté roman, je suis un peu moins certaine de quel auteur a réussit l’exploit de se retrouver dans le fond. Simon Boulerice, peut-être? Ou Alain Bergeron? Mes amis libraires pourront m’aider dans les commentaires (ça serait gentil!!).
Et le numérique, dans tout ça?
La promesse du numérique était de permettre aux livres d’être toujours disponibles, et donc, de faire du problème « d’espace tablette en librairie » une chose du passé. Mais il faut se rendre à l’évidence, en jeunesse, le marché n’y est pas encore. Lorsque les auteurs jeunesses comparent leurs chiffres de vente papier vs numérique, on parle d’un ratio allant de 0,5% à 1%. Dans un autre 5 ans, peut-être!
Le prochain billet sur le sujet (possiblement dans deux semaines) parlera des techniques utilisées pour s’adapter à cette nouvelle industrie de la nouveauté!
Très intéressant cette série de billets.
Cela dit, ça m’étonnerait que le numérique règle quelque problème que ce soit dans le marché jeunesse, puisqu’un éditeur vient de me dire que, du côté adulte, la part du marché numérique est en train de redescendre. Le phénomène a d’ailleurs été remarqué aussi aux États-Unis. Comme si les gens s’étaient précipités en masse vers le numérique… pour finalement s’ennuyer du papier!
@Geneviève: Les deux vont peut-être co-exister encore longtemps! Moi-même, je consomme les deux formats sans distinctions!
Le fond dépend beaucoup des libraires. Personnellement, je tiens un fond des éditions du Phoenix à la librairie de Verdun parce que j’aime cet éditeur et que je le conseille allègrement à mes clients. Il ne faut donc pas sous-estimer le pouvoir du service de presse. Quand un libraire a la chance de lire un roman, ça augmente les chances qu’il l’aime et le vende. Malheureusement, rares sont les librairies qui ont assez d’espaces pour tout avoir. C’est pourquoi, souvent, les éditeurs vont remettre certains titre à l’office lors de la parution d’un nouveau roman d’un auteur ou d’un nouveau tome d’une série. Les mises en place aident aussi un peu de ce côté-là.
@Patrick Isabelle: plein de choses dans ton commentaire!
1- C’est vrai que le fond varie beaucoup d’une librairie à l’autre… dans le réseau de librairies indépendantes! C’est pourquoi vous êtes si essentiel!
2- J’avoue que je ne savais pas que le service de presse était également disponible aux libraires. En même temps, ça fait énormément de sens, maintenant que j’y pense! J’allais parler de ce service dans le troisième volet de cette série de billet… j’y ajouterai les libraires, promis!
Et finalement, une question: Pour remettre à l’office, il faut que quelquechose ait changé, non? Du genre, la couverture, ou le format. Je sais que c’est exactement dans cette optique que le coffret de Victor Cordi a été créé, pour que les livres reviennent en librairie après la faillite de Courte Échelle.
Pas nécessairement. Lors de la parution de mon dernier roman, mon éditeur a remis mes autres titres à l’office. Ça permet aux librairies de les ravoir sur les tablettes avec des droits de retour, ce qui joue souvent dans la balance.
Certains éditeurs ne sont pas friands des services de presse envoyés aux libraires, préférant se concentrer sur les médias. Pourtant, les libraires sont au front. Ce sont eux qui mettent les livres entre les mains des jeunes et des parents. Étant moi-même libraire jeunesse, je peux témoigner du plaisir d’en recevoir et de l’effort que je fais pour mettre ces titres-là de l’avant, plus souvent qu’autrement. C’est comme ça que j’ai découvert Victor Cordi à l’époque chez Monet. 🙂