Vous vous demandez ce que je fais (à part des casse-têtes) pendant ce temps de confinement? Et bien, comme tout le monde: je m’inquiète.
Je m’inquiète pour mes enfants et le genre d’enfance que je leur offre, pour les aînés qui doivent choisir entre risquer de mourir et risquer de ne vivre qu’à moitié, pour la situation dans les CHSLD qui me laisse sans mots, pour les entrepreneurs qui devront fermer boutique, pour les soignants au bout du rouleau et pour bien d’autres choses encore.
Aussi, je m’inquiète pour mon industrie.
Je pense à mes amis auteurs, particulièrement ceux qui comptent sur les animations scolaires pour y arriver. Je pense aux librairies vides qui font bien ce qu’elles peuvent avec la livraison, aux éditeurs qui étaient déjà à bout de souffle avant tout ce bordel.
Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle « la chaîne du livre ». La littérature est une industrie aux multiples maillons, dont la survie de chacun est tributaire de la survie des autres. Il s’adonne que cette chaîne n’est pas solide-solide, et ce, depuis longtemps.
Des articles sortent, des études aussi. Sur les conséquences du confinement pour les libraires, les auteurs, les éditeurs. C’est à peine si j’ose les lire. Je me sens comme les petits singes proverbiaux : une grande envie de me boucher les yeux et les oreilles, comme si mon ignorance allait faire que le problème n’existera plus.
Lorsque j’en parle à mon entrepreneur de mari, il y voit des opportunités de réinvention. « Les éditeurs pourraient ceci… » « les librairies devraient cela… », « les auteurs… ». Il rêve la transformation de mon industrie pendant que moi-même j’en cauchemarde les séquelles. Parce que s’il y a une transformation, il y aura des laissés pour compte.
Je sais, mon industrie n’est pas la seule à souffrir. Elle n’est possiblement même pas la plus touchée ou la plus fragile. Mais, que voulez-vous, c’est celle qui est la plus proche de moi. Alors c’est plus fort que moi : je m’inquiète.
Oui, en effet, le problème avec les transformations c’est qu’il va laisser des gens derrière… et on espère tous que ce ne sera ni nous, ni nos amis.