Je vous ai déjà parlé du langage des Clapontins, que l’on rencontre dans Victor Cordi, Cycle 1, Livre 3: (« Fais-toi un petit trou bien conformiam, mon placo ! Tu en as pour une targe ! » ou encore « on peut dire que tu nous as fait courtailler »)
Je également parlé de mon amour pour les mots inventés. Ces deux choses ont une seule et même origine : ma fascination, depuis l’adolescence, pour l’argot français.
J’ai eu deux maîtres en la matière. Tout d’abord, le chanteur Renaud, découvert à l’adolescence. Si ses œuvres les mieux connues n’ont que quelques perles facilement compréhensibles (« tu sais ma môme, que j’suis morgane de toi »), ses chansons plus vieilles devenaient, pour la Québécoise que je suis, de véritables casse-têtes à déchiffrer (« Quand l’baba cool cradoque est sorti d’son bus volkwagen qu’il avait garé comme une loque devant mon rade»)
Puis, dans la vingtaine, je suis tombée sur Pierre Perret, grâce à une amie. Ce fut le coup de foudre, et il reste, aujourd’hui encore, mon préféré parmi la « vieille garde » de la chanson française. Je suis sa page Facebook juste pour le plaisir de voir des statuts qui commencent par « Salut mes loulous », et où on ne dit pas : « Les enfants étaient super » mais bien, « les lardons étaient aux œufs ».
Vous ne pouvez imaginer mon bonheur lorsque, il y a une semaine ou deux, je suis tombée sur ces deux petites merveilles :
Des fables de Lafontaine, racontées par Pierre Perret! Je ne savais même pas que ça existait!
On y trouve des rimes sublimes :
« Honteux comme un taureau, qui aurait paumé ses cornes,
Le renard s’était fait roulé dans le pop corn »
Des phrases quasi incompréhensibles pour le néophyte :
« Le loup à toute burbure, enjambe le cresson »
Et des morales discutables :
« Tuer un p’ptit agneau sans défense?… c’est bien laid…
Mais c’est pas dégueulasse avec des flageolets !»
Bref, un trésor pour moi, de ce type de trésor qu’on ne trouve que dans les librairies de livres usagés. Le dos de la couverture en annonce deux autres titres, je mettrai la main dessus, je le jure!
Ah, Renaud! C’est comique, mon père l’adorait et j’ai grandi moi aussi en écoutant ce langage semi-inventé (parce que même mes cousins élevés en France peinaient à comprendre l’argot de Renaud). Dans le même genre (mais en version québécoise, parce que bon, moi le goût de l’argot français m’est un peu passé avec les années), j’adore Fred Pellerin.