Élucubrations économiques d’une auteure qui n’y connait rien (AJOUT)

Tout a commencé par une discussion. Mon chum est un MBA, et je voulais connaître sa position sur l’imposition du prix unique pour les livres. Il m’a parlé de liberté de marché, moi de l’importance, surtout pour les auteurs jeunesses québécois, de garder les librairies indépendantes en vie. Il a conclu sur cette triste vérité, qu’avec une politique de prix fixe, c’est habituellement le consommateur qui, je cite : « l’a dans le cul ».

Forte de ces nouvelles informations, j’ai cogité longuement.

Quelques faits à partir desquels j’ai basé ma réflexion :

  • – Les librairies sont incapables d’offrir des prix aussi bas que Costco
  • – La plupart des gens de l’industrie s’entendent pour dire qu’il y a surproduction de livres au Québec (du moins, dans le jeunesse).
  • – Les éditeurs d’ici reçoivent de fortes subventions pour produire leurs livres.

Voici ci donc mon hypothèse économique de coin de table pour ramener un peu d’équilibre dans ce foutoir : pourrait-on déplacer les subventions des éditeurs vers le point de vente?  Pas toutes, évidemment! Certaines formes de littératures, la poésie par exemple, ne pourraient survivre sans subvention.

Je sais, on assisterait à une hécatombe du côté des éditeurs, mais il n’est pas logique de subventionner une industrie en surproduction. Imaginons, plutôt, que le gouvernement paie un pourcentage X sur chaque livre québécois acheté en librairies. Un livre de 20$ pourrait donc n’en couter que 15$ au consommateur. Le gouvernement pourrait même en profiter pour n’attribuer les subventions au point de vente qu’aux librairies qui respecteraient quelques règles de visibilités pour les livres d’ici, un peu comme le CRTC force la radio et la télévision à faire de la place aux produits québécois.

Avec moins de titres disponibles et une croissance des ventes sur les titres restants, les maisons survivantes compenseraient une partie des subventions perdues en augmentant leurs ventes.

Bref, le consommateur paie moins cher, le libraire peut compétitionner avec les grandes surfaces, et les éditeurs augmentent leurs ventes. La chèvre et le choux!

Notez que tout ceci ne tient pas en compte du tout la progression du numérique, uniquement l’écosystème papier existant. Notez aussi que, comme pour tout écosystème, il faut un certain temps pour trouver les doses parfaites pour trouver un équilibre qui convient à tous les partis.

C’est utopiste? Complètement à côté de la trac? Peut-être, mais je vous jure que ce matin, dans ma douche, ça semblait faire plein de sens!

AJOUT :

Bon, comme je l’avais prédit (voir titre): je n’y connaissais rien! J’ai donc appris, grâce aux commentaires et aux lectures qui ont suivi, que les librairies ont DÉJÀ des subventions tant directes (aide financière gouvernementale) qu’indirectes (obligation des écoles à acheter certains ouvrages chez eux). Et malgré ces subventions, les librairies ferment les unes après les autres! Je n’ai qu’une chose à dire : ouch.

13 réflexions sur « Élucubrations économiques d’une auteure qui n’y connait rien (AJOUT) »

  1. C’est pas fou, mais on peut se poser la question suivante : pourquoi s’obstiner à garder les librairies en vie?

    Moi j’y vois un net avantage, mais y’a plein de gens qui n’en ont rien à foutre. Et avec la montée du numérique, ça va pas s’améliorer.

    Et puis avec ton système, il faut souhaiter que ce ne sont pas nos éditeurs qui fermeront leurs portes… 😉

  2. @gen: Comme auteur jeunesse québécois, les librairies sont importantes, parce qu’elles sont les seules à offrir de la visibilité pour les titres plus obscurs de petites maisons. Ces titres ne sont pas dans les grandes-surfaces, et aucun média n’en parle, alors impossible d’en connaître l’existence sans les librairies. Pour les maisons d’Édition, toi tu es correct: Phoenix ont toujours survécu sans subventions!

  3. En fait, tout ce dont tu parles est déjà en place. Les librairies « agréées » reçoivent des subventions mais doivent respecter certaines conditions pour recevoir leur aide financière.

    Si tu veux un peu de lecture là-dessus, tu pourras lire les grandes lignes de « La loi du livre » sur le site du gouvernement : http://www.mcc.gouv.qc.ca/index.php?id=4385

    Cela dit, au moment où je partage ce lien, le site est planté…

  4. @Dominic: Quel dommage que ça soit planté! Je vais essayer de trouver ailleurs, puisque, évidemment, ça m’intéresse. Je savais qu’il y avait des choses en place pour obliger les libraires à prendre un certain nombre de chaque exemplaire de livre québécois pour un certains nombre de temps, mais je ne pensais pas qu’elles étaient dédommagées pour le faire. Est-ce que c’est de cette même loi dont tu parle?

  5. Merci @Alice!
    Alors, si je comprends bien, la loi a grandement aidé, à l’époque, à l’essort de l’industrie du livre, mais comporte son lot de problèmes. Si je ne m’abuse, il y a même eut une conférence récemment à son sujet. À vue de nez, j’y vois surtout que l’avantage que les libraires y trouve, c’est que les écoles sont obligés de commander chez elles. Donc, comme avec le prix unique, c’est le consommateur (ici, les écoles) qui l’ont dans le cul! Aussi, la loi est faite de telle manière que les libraires ne sont pas encouragés à prendre beaucoup d’un titre niche (puisqu’ils paient le retour), et qu’une librairie qui décide de se spécialiser dans la littérature québécoise n’y aurait pas droit (puisqu’elle doit avoir 4000 titres étrangers pour être admissible).

  6. @Alice: Ah! Je viens de trouver la ligne « en plus d’être admissible à une aide financière de l’État » donc, les librairies sont déjà subventionnées. Qu’est-ce que j’en apprend des choses!

  7. @Clément: Tu sais ou le trouver 😉
    Pour le texte, j’ai essayé de le lire en diagonale, mais il nécessite vraiment une lecture approfondie. Je n’ai pas le temps de le faire aujourd’hui, mais te promets de le faire d’ici la fin de la semaine.

  8. Les éditeurs ne reçoivent déjà que 30-35% du prix d’un livre. Enlever les subventions aux éditeurs causeraient la perte de très belles petites maisons d’édition jeunesse. Je ne crois pas que Phoenix survivrait (d’après ce que j’ai vu Les Éditions du Phoenix ont reçu 21000$ de subvention du Fond du livre du Canada en 2010-2011 et comme tous les éditeurs agréés elle reçoit la subvention de la SODEC et la subvention pour les salons du livre). Soulières Éditeur et Pierre Tisseyre ne survivraient pas non plus, je pense. La Courte Échelle reçoit 300,000$ du COnseil des arts et 100,000$ du Fond du livre du Canada… Survivrait-elle?

    Sans les subventions il n’y aurait plus de variété dans la production québécoise. Sans subventions, aucun éditeur québécois ne pourrait produire d’album. Le marché est trop petit, même s’il n’y avait pas de surproduction. Les subventions aux éditeurs sont des subventions à notre culture. C’est essentiel.

  9. Je seconde monsieur Laberge: dès que tu as le temps, lis ce texte. Là où il n’y a pas ou plus de prix unique: la fin de la bibliodiversité.
    Enfin, c’est mon opinion (faut dire aussi que j’ai connu ça une grosse partie de ma vie le prix unique et le choix des librairies indépendantes!)

  10. @Pierre: c’est certain qu’il y aurait hécatombe, et je ne le souhaite pas vraiment. Mais la surproduction reste un problème. C’est moche.
    Pour le « sans subvention » de du Phoenix, c’est le discours que tient l’éditrice! Elle parle peut-être uniquement de celle du Conseil des arts. En même temps, 21 000$, c’est loin d’être négligeable!

  11. On peut penser que la surproduction est un problème pour les auteurs qui vendent moins et ne peuvent vivre de leur art. Mais combien n’auraient jamais été publié s’il n’y avait pas surproduction? Est-ce qu’il y a un autre problème que ça avec la surproduction? Il y a un « ménage » qui se fait naturellement même avec les subventions aux éditeurs. Et ça permet une diversité.

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