Je suis en pleine réflexion de conception pour de nouvelles séries, et réalise soudainement que toutes mes idées impliquent des enfants comme héros… comme la plupart des romans jeunesse. Normal, diront certains : les enfants aiment s’identifier aux héros des histoires, alors on leur en donne à leur image. C’est ainsi que les héros de nos enfants sont des Harry Potter, Amos d’Aragon, Aurélie Laflamme, etc.
Pour tant, il est bien plus compliqué de mettre en scène des enfants, surtout lorsqu’il s’agit de romans d’aventures. Passeport, argent, transport, etc. sont tous bien plus compliqués à gérer lorsque les protagonistes sont mineurs. Déjà, à la base, il faut habituellement se débarrasser des parents, sinon le sentiment de danger est amoindri. Il n’y a rien de plus fatigant qu’un enfant toujours en train de sauver la peau des adultes qui devraient, logiquement, être en charge. Tous les fans de Star Trek : Next Generation sauront de quoi je parle! C’est ainsi qu’on trouve une effarante proportion d’orphelins en littérature.
Dans les autres médiums (Bande dessinée, film et télévision), il y a bien les superhéros qui viennent rétablir une certaine balance en offrant des modèles ayant laissé l’adolescence loin derrière, mais ce genre est, de manière surprenante, plutôt absent des rayons « romans » de la librairie.
Et la tendance ne s’arrête pas aux romans jeunesse! Dans un article récent, Entertainment Weekly présumait que si les œuvres « To kill a Mockingbird » et « The Catcher in the Rye » étaient publiées aujourd’hui, ils le seraient dans la section jeunesse, rayon « jeunes adultes » juste à côté de Twilight. Pourquoi? À cause de l’âge de leurs protagonistes!
Moi qui ai été jadis fascinée par Yoko Tsuno (et amourachée d’Albator), il y a de quoi se poser des questions. Certains spécialistes (je ne retrouve plus la source, je ferais une terrible journaliste!) pensent d’ailleurs que cette absence de modèles plus vieux entraverait le développement des enfants en leur enlevant cette envie de grandir. Pourquoi s’en donner la peine alors que, selon la culture qu’ils consomment, les enfants sont toujours les plus forts!
C’est donc une piste de réflexion pour ma création de nouvelle série. Est-il temps de réhabiliter le héros adulte à la Bob Morane, Zorro, Daniel Boone et compagnie?
Et surtout… est-ce que j’ai vraiment envie de le faire, moi?
Le truc, c’est d’avoir quand même des modèles adultes forts dans des romans où les ados sont les protagonistes principaux, ou d’avoir une alternance de héros/point de vue mettant en scène des adultes. C’est plus complexe à écrire, mais ça donne un résultat plus plausible et plus complet, car souvent on a l’impression, dans certains romans jeunesse, que les adultes n’existent tout simplement pas.
@Annie : Je me pose cette question-là depuis des années, merci de me montrer que même ceux qui écrivent depuis longtemps des romans jeunesse se questionnent!
J’ai grandi en voulant devenir Yoko Tsuno! hihihihi Avant nous, pendant des siècles, les enfants ont grandi en voulant devenir Achille, Hector, Ulysse, Yvanhoé, Zorro, Bob Morane (désolée, je manque de modèles féminins!)… Bref, on divertissait les enfants avec des histoires de héros plus grands que nature, dont ils aspiraient à imiter les exploits.
De nos jours, les enfants peuvent espérer quoi? Rester enfant? Perdre leurs parents afin de se découvrir des pouvoirs extraordinaires ou un destin caché? (c’est vrai qu’il y a une épidémie d’orphelins en littérature jeunesse!)
C’est sûr que, comme dit Mathieu, y’a moyen de mettre des personnages adultes intéressants dans les histoires peuplées de jeunes. Sauf que est-ce que c’est vraiment nécessaire de présenter sans cesse des livres-miroirs aux jeunes? Est-ce que c’est avec ça qu’ils vont vraiment rêver le plus?
Moi aussi j’ai tendance à penser qu’on les handicape en leur présentant seulement des héros de leur âge. En plus, on leur donne probablement encore plus l’impression qu’ils sont impuissants et que leur vie est moche : imaginez, des individus de leur âge sont des héros et pas eux! Ils ont déjà manqué leur vie!
J’exagère, mais à quel point?
@Mathieu, c’est déjà un compromis intéressant, on pense, par exemple, aux nombreux adultes dans Harry Potter qui offrent conseils et protection aux jeunes. Mais plus il y a d’adultes « hot » dans le livre, plus c’est difficile de justifier que le « gros de la job » soit laissé aux enfants! En fait, je cogite un billet sur cette difficulté…
@Gen: Longue vie à Yoko Tsuno!!! Je ne crois pas qu’on montre aux enfants que leur vie est moche en leur présentant des héros enfants, mais bien au contraire que, même étant enfants, ils sont capable de grandes choses! Par contre, je crois qu’il faut une balance! Qui inventera le prochain Zorro?