Moi, si. J’ai relu la schtroumpfette. Si je l’avais fait par petite crise de nostalgie, seule avec mes souvenirs, j’aurais ri un bon coup avec beaucoup de satisfaction envers toute l’eau sous les ponts qui est passée depuis sa parution. Malheureusement, je l’ai lu avec un petit bout de femme de 4 ans sur les genoux. Et si ça ne m’a pas donné envie de bruler ma brassière, ça m’a tout de même révolté assez pour cacher ledit album dans le haut de ma bibliothèque, à un endroit bien inaccessible. Publié en 1967? Il y a des choses qui ne vieillissent pas bien!
Que la schtroumpfette ne puisse pas aller au chantier du pont de la rivière schtroumpf (je cite : « Non, non, la place d’une schtroumpfette n’est pas sur un chantier! C’est trop dangereux et… ») passe encore. J’aurais toujours pu m’en sortir avec une explication sur le changement de mœurs, comme je lui ai déjà expliqué que, s’ils vivaient à notre époque, Jack Monoloy et Marilouche vivraient leur amour en toute quiétude. Le problème est plus profond.
Ça commence avec la formule magique utilisée par Gargamel pour créer la schtroumpfette. En voici la case, mais pour plus de lisibilité, j’ai transcrit le tout juste en dessous.
Un brin de coquetterie
Une solide couche de parti pris
Trois larmes de crocodiles
Une cervelle de linotte
De la poudre de langue de vipère
Un carat de rouerie
Une poignée de colère
Un doigt de tissus de mensonge, cousu de fil blanc, bien sûr
Un boisseau de gourmandise
Un quarteron de mauvaise foi
Un dé d’inconscience
Un trait d’orgueil
Une pinte d’envie
Un zeste de sensiblerie
Une part de sottise et une part de ruse
Beaucoup d’esprit volatil et beaucoup d’obstination
Une chandelle brûlée par les deux bouts
Le tout, non pas pour créer une chipie ou même un monstre maléfique! La formule s’intitule « comment faire une statuette en la dotant d’une nature féminine ». Une nature féminine : cervelle de linotte requise! Joli!
Ce n’est que de l’humour? Continuons!
La schtroumpfette arrive donc chez les schtroumpfs et emmerde tout le monde. À un point tel que les schtroumpfs décident de lui jouer un mauvais tour : lui faire croire qu’elle a grossit!
« Je suis trop grosse! Et je suis laide! Mes cheveux sont dans un état lamentable! J’ai un teint horrible, aucune toilette ne me va! Je veux mouriiir! » se plaint donc notre héroïne.
Le grand schtroumpf, en véritable héros, vient lui sauver la vie en la dotant… de cheveux blonds et de talons hauts. À ses propres mots : « de la chirurgie esthétischtroumpf ».
Et voilà! C’est magique! Elle est toujours aussi capricieuse, manipulatrice et emmerdante qu’avant, mais maintenant qu’elle est jolie, tout le monde trouve ça absolument charmant! N’est-ce pas merveilleux!
Bref, certains albums, comme Tintin au congo et la Schtroumpfette, peuvent bien continuer d’être lus par des adultes à la recherche de la pureté de l’époque, mais serait possiblement mieux d’être tenus dans le haut des bibliothèques… section adulte. Et pour les enfants qui désireraient en savoir plus sur le personnage? Il paraît que le dernier album des schtroumpfs (T28 : La grande Schtroumpfette) écrit par le fils de Peyo, explore justement le féminisme! Soyons de notre temps!